Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De l’autre, les recettes ordinaires ont baissé avec la plus effrayante rapidité ; le contractant de l’emprunt, qui sollicitait des escomptes de la monarchie, s’est exposé à une amende de 25 millions pour résilier son marché avec la république, et le guichet d’émission des bons du trésor a été fermé par la défiance générale. D’où venaient ces dépenses énormes, cet épuisement de toutes les recettes et ce discrédit ? À qui faut-il imputer les consolidations, ruineuses qui en ont été la conséquence ? Est-ce à la révolution de février ? est-ce aux fautes de ceux qui l’ont gouvernée ? Qu’on choisisse ; mais M. le ministre des finances n’avait pas le droit de les mettre à la charge de la monarchie.

La dépense des services généraux a suivi le même accroissement que la dette publique : les chiffres parlent si haut, qu’il suffira de les citer. Nous ne chercherons pas un objet de comparaison dans un budget normal du dernier gouvernement. Nous prendrons pour point de départ son dernier exercice, celui qui s’est accompli dans les circonstances les plus difficiles, sous la double et sinistre influence des inondations et de la disette. En 1847, les dépenses ordinaires (nous n’en exceptons que les grands travaux publics) se sont élevées à 1,427 millions ; le premier budget de la république les a portées à 1,629 millions[1]. M. le ministre des finances nous fait craindre que, pour les mêmes dépenses, le second budget ne dépasse notablement 1,492 millions, et le troisième budget des dépenses ordinaires, le budget qu’il vient de présenter, serait déjà de 1,488 millions, indépendamment de toutes les charges imprévues, si le sacrifice absolu de l’amortissement ne le ramenait provisoirement à 1,409 millions. Le décroissement des recettes a formé un triste contraste avec l’accroissement des dépenses en 1848, les produits indirects ont diminué de 142 millions[2] ; nous manquons de base pour évaluer la diminution de 1849 ; dans les prévisions un peu optimistes de son budget des recettes pour 1850[3], M. le ministre des finances propose de compenser, par une ressource momentané de 65 millions, la réduction probable du produit des anciens impôts. Et c’est au milieu de cette décadence du revenu public que l’assemblée constituante a réduit l’impôt du sel et la taxe des lettres, supprimé l’impôt des boissons, et retranché volontairement 160 millions d’un budget des recettes déjà mis en déficit par la force majeure des événemens !

C’est là le plus grand danger de notre situation financière. Les dépenses extraordinaires disparaissent avec les circonstances qui les ont créées, le produit des impôts se relève, avec la prospérité publique, une politique d’ordre et de paix répare peu à peu les ruines d’une politique

  1. Compte des finances pour 1848, page 98.
  2. Ibid., page 52.
  3. Exposé des motifs du budget de 1850, page 14.