Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/927

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appartenant ? N’a-t-il pas annulé 8 millions de ces rentes 4 pour 100[1] et réduit par là l’importance de ses nouvelles émissions ? Les autres valeurs ne figurent-elles pas dans l’actif du trésor ? Tous ces faits sont incontestables ; comment donc se fait-il qu’en rappelant sans cesse comme une dette du dernier gouvernement le passif des caisses d’épargne, on oublie sans cesse de mettre en regard les valeurs qui, sauf le compte courant du trésor couvraient exactement ce passif ? Il eût été de la plus simple équité de retrancher des 21 millions de rentes environ qui ont été inscrites, pour rembourser les déposans des caisses d’épargne les 11,600,000 francs de rentes[2] ou de dividendes d’actions que l’état avait achetés pour employer leurs dépôts. Quand on liquide une succession qu’on dit obérée, on ne devrait pas aggraver la situation en prélevant tout l’actif au profit du liquidateur.

Nous ne pensons pas que cette rectification puisse être contestée ; mais elle est loin de suffire. La consolidation des fonds des caisses d’épargne a été une opération déplorable : son résultat net, comme on vient de le voir, a été de laisser 10 millions de rentes à la charge du trésor, et de le libérer d’un compte courant qui, au 24 février 1848, s’élevait à 65,703,000 fr.[3]. 10 millions de rentes pour un capital de 65 millions ! c’est un emprunt à plus de 15 pour cent.

Pour faire de telles opérations, il fallait y être bien forcé. La force majeure a-t-elle existé ? S’il est vrai que la révolution de février a été frappée d’un si énorme discrédit dans les classes populaires, que tous les déposans, par une défiance spontanée et unanime, ont voulu retirer leurs versemens, c’est un phénomène sans exemple dans l’histoire de notre crédit public, et nous nous contenterons de dire que la monarchie n’en avait pas même vu l’ombre. La crise de 1847, cette crise de la disette et de la misère, a laissé intact le crédit des caisses d’épargne, et le trésor de l’économie ne subit alors que les prélèvemens réclamés par le besoin. Peut-être même, après la révolution de février, le crédit des caisses d’épargne aurait pu être sauvé ; la loyauté aurait suffi : quelques remboursemens en espèces ou en valeurs au cours auraient subvenu aux premiers besoins et calmé les premières défiances ; mais on marchanda la stricte justice aux ouvriers des caisses d’épargne, Pendant qu’on prodiguait les trésors de l’état aux ouvriers des ateliers nationaux ; on leur offrit des bons du trésor ou des rentes dépréciées de plus de 30 pour cent, et tandis que les préambules des décrets plaçaient

  1. Décret du 7 juillet 1848.
  2. Tableau de l’état des caisses d’épargne au 31 décembre 1847 annexé au rapport de M. Ducos du 14 avril 1849.
  3. Rapport de M. François Delessert, au nom des directeurs de la caisse d’épargne de Paris, 3 août 1849.