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La Marquise.

Il ne faut pas dire à coup sûr : je ne l’aimais pas plus qu’un autre, voilà tout.

Le Marquis.

Vous l’aimiez donc un peu ?

La Marquise.

Un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout, — comme il vous plaira. — Quelle est cette jalousie rétrospective, mon cher marquis ?

Le Marquis.

Jaloux, moi ! à quoi pensez-vous ?

La Marquise.

Je ne demande pas que vous le soyez, bien qu’il fût au moins poli de le paraître ; mais si, pour ne l’être point, vous vous fondez sur l’effet que vous pensez avoir produit tantôt avec votre homélie des cas de conscience, j’ose vous assurer que j’en ai mal profité. J’ai là-dessus des idées qui sont de mon sexe probablement, comme vos idées sont du vôtre ; gardez-les, mais je suis trop loyale pour ne pas vous avertir que je garderai les miennes.

Le Marquis.

Est-ce une menace ?

La Marquise.

Pas plus que votre éloquent plaidoyer de tantôt n’était une excuse, je suppose.

Le Marquis.

Allons ! vous avez bien vu que je plaisantais.

La Marquise.

Eh bien ! je plaisante à mon tour. — Les vents ont changé, berger, comme dit ma mère.

Le Marquis.

Mon Dieu ! si vous y tenez, je suis prêt à convenir qu’en matière d’infidélité, les torts d’un mari sont égaux à ceux d’une femme. Là, peut-on être plus raisonnable ?

La Marquise.

Je soutiens, moi, que la faute d’un mari est deux fois plus grave que celle d’une femme.

Le Marquis.

Je vous dirai, comme M. Trissottin : « Le paradoxe est fort. »

La Marquise.

D’abord, marquis, avouez que le plus souvent vous placez votre femme dans l’alternative de vous tromper ou de mourir d’ennui. Une vertu, si solide qu’on la suppose, a besoin de quelque encouragement et d’un peu de soutien ; — vous lui refusez l’un et l’autre.

Le Marquis.

Moi, ma chère ?