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des lettres, c’est la charité, c’est la piété du public, inépuisable dans ses ressources, infatigable dans son activité. On a quelquefois comparé les dépenses publiques de la France et de l’Angleterre : l’inexactitude de la comparaison sauterait aux yeux, si elle se faisait ministère par ministère ; on serait tout surpris de trouver que trois ou quatre ministères français seraient des sinécures en Angleterre : c’est le public qui en est chargé.

Il ne faut donc pas s’étonner si, dans les services civils, nos dépenses se sont élevées d’année en année. On pourrait presque dire qu’il n’y a que deux espèces de budget en France, celui de chacun et celui de tous. Le budget des départemens et des communes fait partie du budget de l’état : ce qu’ils font, grace à notre comptabilité centralisée, c’est l’état qui semble le faire et qui semble le payer. Tous les progrès civils de la France depuis dix-huit ans sont représentés par un accroissement de dépenses de 110 à 120 millions[1]. Il y a quelques années, un honorable membre de la chambre des députés crut avoir découvert que depuis huit ans on avait créé plus de quarante mille fonctionnaires publics ; c’est le grand secret révélé, secret de ruine financière et de corruption électorale ! À 3,000 fr par fonctionnaire nouveau, c’était juste les 120 millions. Quels étaient donc ces sinécuristes dont le vote était payé grassement au budget ? La liste a été publiée : c’étaient principalement des facteurs ruraux et des douaniers.

Il serait fastidieux d’entrer dans le détail du chiffre d’accroissement que nous avons indique. Les dépenses des départemens et des communes en absorbent plus de la moitié ; le meilleur entretien des travaux anciens, l’entretien des travaux neufs, l’augmentation du nombre des ingénieurs proportionnelle à l’extension de tous des travaux, telles sont les causes d’un accroissement de dépenses de plus de 25 millions. Regardez de plus près encore : que trouvez-vous ? De gros traitemens, comme on avait coutume de le dire ? Non, mais les premières nécessités de la vie assurées dans les rangs inférieurs de la magistrature et du clergé. Que trouvez-vous encore ? Quelques nouvelles chaires et quelques nouveaux collèges, des encouragemens à l’instruction publique à l’agriculture, au commerce. Voilà tout, ou presque tout du moins, et si nous voulions justifier d’un seul mot toutes ces dépenses, nous dirions : Le gouvernement nouveau, qui a si vivement critiqué les prodigalités prétendues du dernier gouvernement, qui est voué à l’économie par ses critiques même, par sa situation financière et par son principe, n’a pu, dans le budget de 1850, qui doit rétablir l’équilibre financier, réduire que 6 millions sur les services civils de l’année la plus calamiteuse de la monarchie.

  1. L’augmentation a été plus grande en 1846 et en 1847 par des raisons déjà expliquées.