Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays, elle est notre force et notre gloire. L’occupation d’Afrique a agrandi l’influence plus encore que les possessions de la France ; elle a montré que nous avions l’esprit de suite comme l’esprit d’entreprise ; puisse-t-elle montrer aussi que nous avons l’esprit de colonisation comme l’esprit de conquête ! De tels succès ne portent guère leurs fruits que pour l’avenir ; le présent n’a que les efforts et les sacrifices. Il eût été juste peut-être de rejeter sur les générations qui doivent nous suivre une partie du fardeau financier. Le gouvernement ne l’a pas voulu, l’occupation d’Afrique a été constamment une dépense ordinaire. Durant dix-sept années, la monarchie de 1830 a vaincu, pacifié, civilisé l’Afrique sans emprunts. La restauration avait donné Alger à la France ; la monarchie de 1830 lui a donné l’Algérie ; l’une n’est tombée que le lendemain de sa victoire, l’autre n’est tombée qu’au terme de sa conquête. C’est une ressemblance dont elles peuvent s’honorer toutes deux.

L’accroissement de la dépense des services civils n’a pas été aussi considérable que celle des services militaires. Avant d’en examiner les causes, il importe de remarquer que la marche ascendante des dépenses ordinaires est un fait normal dans un pays en progrès. Comme les individus qui s’enrichissent, les peuples qui prospèrent changent leur vie avec leur fortune. Leur civilisation devient plus élégante et plus chère ; dans l’ordre moral, dans l’ordre matériel, ils ont des goûts et des besoins nouveaux qui ne sont satisfaits que par de nouvelles dépenses. Si l’administration réalise par elle-même tous ces progrès, et si la comptabilité centralise toutes les dépenses, tout accroissement du bien-être figure en accroissement de charges au budget de l’état ; mais dans les pays où les localités s’administrent sans contrôle, et même où l’industrie privée occupe une grande place dans les services publics, la dépense de ces améliorations successives se dissimule sous des péages ou se dissémine dans les comptes des autorités locales. Qui n’a entendu parler des chemins vicinaux et des routes, de l’Angleterre ? On a dit avec raison qu’on ne trouverait pas une ornière dans tout le royaume. À la construction des voies de terre a succédé celle des canaux, à la construction des canaux a succédé celle des chemins de fer. Ces travaux gigantesques ont coûté plusieurs milliards ; leur entretien seul coûte des centaines de millions. Cherchez dans les budgets du royaume-uni la trace des frais d’entretien ou de premier établissement ; à quelque époque que vous remontiez, vous ne la trouverez nulle part : ce sont les taxes levées sur les propriétaires, ce sont les péages levés sur les voyageurs et sur les marchandises qui ont créé ces merveilleux travaux. Combien d’autres exemples ne pourrions-nous pas citer encore ! Qui ouvre ces musées, ces cours publics, ces écoles ? qui fonde ces chapelles, ces hospices, ces asiles ? C’est l’amour