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les compagnies de chemins de fer et de canaux ; il suspendit les droit de péage qui grevaient des transports déjà si renchéris. Il donna enfin à la charité le concours de la bienfaisance publique. Sans doute, dans cette lamentable année, quelques désordres et de grandes misères ne purent pas être évités ; mais le pays supporta noblement ces maux, et le gouvernement put peut-être revendiquer l’honneur d’avoir servi dignement le pays. Des causes bien différentes ont ramené bientôt après la même détresse, et les populations furent éprouvées par les révolutions plus sévèrement encore que par les inondations et par la disette. Le trésor de l’état s’ouvrit de nouveau, et s’épuisa même pour les secourir ; elles pourraient dire aujourd’hui si elles furent mieux secourues par le gouvernement qui songeait surtout à les servir que par le gouvernement qui songeait surtout à leur plaire.

La dépense des services du budget ne fut pas moins affectée par les circonstances que la situation générale du pays. Il fallut fortifier la surveillance pour assurer la libre circulation des grains et la libre fréquentation des marchés. Il fallut mettre à l’abri du découragement ou des tentations de la misère les agens les moins rétribués qui veillent à la sûreté publique ou à la perception des impôts. Le renchérissement des vivres et des fourrages fit plus que doubler les dépenses les plus importantes de la guerre et de la marine. Tous ces efforts à faire, tous ces sacrifices à subir ont dû laisser de profondes traces dans les comptes des ministères sur qui pesa principalement le poids de ces deux années : le ministère de l’intérieur fut obligé d’élever ses dépenses de 112 millions à 120 millions la première année, et 142 millions la seconde ; celui des travaux publics, de 61 millions à 66 millions, et à 70 millions ; celui de la guerre, de 302 millions à 331 millions, et 353 millions ; celui de la marine, de 114 millions à 130 millions, et à 132 millions[1]. Qui pourrait s’étonner, dès-lors, que les exercices 1846 et 1847 aient laissé un découvert, le premier de 41 millions, le second de 109 millions, et que les réserves de ces deux exercices aient été absorbées par cet excédant de dépenses si imprévu et si accablant ?

Ce fut ainsi que les réserves de l’amortissement échappèrent encore aux grands travaux publics, au moment même ou cette ressource leur paraissait enfin assurée. D’heureuses modifications venaient d’être introduites dans les conditions financières de ces travaux Le succès inespéré des chemins d’Orléans et de Rouen avait ranimé l’industrie privée. Sur les lignes les plus importantes, l’état était affranchi de tout concours dans la dépense d’exécution. Une compagnie lui achetait le chemin du Nord et se chargeait de construire divers embranchemens ; une compagnie lui remboursait le prix des travaux faits sur le chemin

  1. Compte des finances pour 1847, pages 372 et 373.