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par conséquent, aux besoins ou plutôt aux facultés des consommateurs. Voyons quel mouvement s’est opéré dans ces deux catégories d’impôts sous le dernier gouvernement.

Des centimes ont été ajoutés au principal des contributions directes ; mais quelle a été la part de l’état dans le produit de ces centimes additionnels ? 11 millions à peine sur une contribution totale de 422 millions[1], car il ne serait pas juste de considérer comme une surcharge de l’impôt direct les accroissemens qui sont dus à l’accroissement même de la matière imposable. Si nos villes se sont agrandies, si le sol partagé entre un plus grand nombre de citoyens admis aux jouissances de la propriété s’est couvert d’habitations nouvelles, si la rapide extension du commerce a multiplié le nombre des commerçans, n’était-il pas juste que ces propriétés et ces industries de création récente ajoutassent leur tribut aux ressources publiques ? et n’est-ce pas un heureux symptôme que cette plus-value de 17 millions, due tout entière non à la pénible aggravation de l’impôt, mais à l’heureuse augmentation du nombre des contribuables ?

D’autres additions ont été faites, nous devons le dire, aux contributions directes ; mais qui les a votées et quel en a été l’emploi ? Elle ont été votées par les conseils électifs des département et des communes, pressés par les vœux des populations, qui acquittaient aisément des dépenses faites sous leurs yeux et pour elles. Les votes des conseils électifs ont ajouté 66 millions aux contributions directes[2]. Avant ces votes, les ressources départementales existaient à peine, et les ressources communales encore moins. Aussi, dans quel état se trouvaient, avant 1830, les divers services des départemens et des communes ! Les chemins étaient impraticables, les routes peu nombreuses s et mal entretenues ; il y avait peu d’hospices, peu de collèges et point d’écoles. Qui pourrait nier que, depuis 1830, les départemens et les communes aient changé de face ? Nous ne voulons point citer de chiffres : on les trouve dans toutes les statistiques ; mais l’évidence parle encore plus haut. Ne rappelons ici qu’un seul service : quelle est la ville, quel est le village, quel est le hameau que n’atteigne ce vaste réseau de routes de départementales et de chemins vicinaux, achevés avec tant de persévérance et au prix de tant de sacrifices par les départemens et les communes ?

Le gouvernement a donné son autorisation à ces sacrifices ; mais pouvait-il la refuser ? N’eût-il pas abusé, en la refusant, de cette tutelle administrative que des lois déjà très attaquées ont remise entre ses mains ? Le devoir de cette tutelle est de mettre un frein à l’entraînement

  1. Mémoire de M. Laplagne, 1848, page 77.
  2. Ibid., page 76.