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avec de petites combinaisons de cabinet, lorsqu’ils apportaient enfin la bonne nouvelle, lorsqu’ils annonçaient les vastes combinaisons de la société bienheureuse du monde futur.

Nous abandonnons le développement de ce contraste aux amateurs d’antithèses (ils étaient assez représentés dans le congrès), et, pour parler net, nous confessons enfin n’avoir rien trouvé de très sérieux dans ce double intermède qu’on nous a joué depuis la prorogation. Des ébats triomphans de la déclamation philanthropique, des réquisitoires anti-ministériels d’une certaine partie de la presse politique, Nous n’apercevons pas qu’il soit sorti beaucoup plus que du vent et du son, verba et voces. Il ne faudrait pas cependant que l’on veut toujours là-dessus. Ces choses-là se passent, il est vrai, dans une sphère plus ou moins étroite, où l’on a des maladies spéciales, une fièvre à part, des vanités et des ambitions chauffés en serre-chaude. On peut s’y permettre plus d’une pointe d’humeur ou plus d’un caprice de popularité avant que le gros du pays, qui n’entre pas dans le cénacle, s’intéresse beaucoup à ce qui s’y remue ; mais il est aussi telles circonstances ou le gros du pays lui-même a la fibre assez susceptible pour ressentir des contre-coups qui, en des temps plus calmes, ne l’auraient pas même effleuré.

Que les amours-propres et les esprits faux s’étalent à plaisir en copiant à grand orchestre le vieux thème du bon abbé de Saint-Pierre, le dommage n’irait pas loin, si l’époque était ordinaire ; aujourd’hui, qui vous répond que votre organisation de la paix, traduite par vous-même en un cri contre l’impôt, ne sera pas une devise de guerre, comme le fut à son heure l’organisation du travail ? Est-ce là ce que vous voulez ?

Que les inévitables dissidences qui séparent les caractères aboutissent à des refroidissemens trop âcres entre les membres d’un même parti, que la diversité des points de vue déchire en plusieurs fractions les défenseurs d’une même cause, que les nuances formées dans une même couleur jurent presque aussi durement ensemble que les couleurs les plus contraires : tout cela n’a rien de très nouveau ; c’est de la sorte qu’on a pu réussir à constituer depuis des siècles les ministères de rechange, et nous croyons qu’il en faudra toujours. L’homme est ainsi fait, que rien ne l’irrite et ne lui donne envie d’être à la place de son voisin, comme de l’y voir trop long-temps. C’est une grande raison pour un système de descendre du pouvoir, que de n’y pas appeler beaucoup de gens l’un après l’autre ! On leur laisse par là trop de loisir pour se différencier, et l’on a plus de peine ensuite, quelquefois même on ne réussit plus du tout à se les assimiler. Ces vérités admises, en faut-il conclure que le moment soit bien choisi pour vouloir dans les conseils de l’état une succession trop rapide de joyeux avènemens, pour solliciter, pour exiger des abdications, sans être bien assuré d’avoir les successeurs tout prêt sous la main ? — L’opinion conservatrice, qui a repris enfin son empire, se sera-t-elle affermie davantage au cœur du pays, quand, sur des griefs de détail, elle aura récusé d’une manière éclatante tel ou tel d’entre ceux qui jusqu’ici lui appartenaient au meilleur titre ? Cette masse compacte, rangée sous le drapeau du parti modéré, ce grand corps des citoyens laborieux et paisibles, qui fait la vraie France, aura-t-il plus de foi dans la stabilité, sans laquelle il ne peut vivre, quand, à chaque instant, de sourdes obsessions viendront lui insinuer que les dépositaires de sa confiance