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SOUVENIRS DE LA VIE MILITAIRE EN AFRIQUE.

léah et là il s’engagea comme rhamès[1] chez un nommé Ismaël ; mais Si-Embarek, au lieu de travailler, ne faisait que dormir. Pendant ce temps, chose merveilleuse, la paire de bœufs qui lui était confiée marchait toute seule, de telle façon qu’au bout du jour, ils avaient fait plus d’ouvrage que tous les autres. On rapporta ce prodige à Ismaël, qui, voulant s’en assurer de ses propres yeux, se cacha un jour, et vit Embarek couché sous un arbre, tandis que ses bœufs labouraient. Se précipitant à ses genoux, Ismaël lui dit : — Tu es l’élu de Dieu ; c’est moi qui suis ton serviteur, et tu es mon maître. — Aussitôt, le ramenant chez lui, il le traita avec le plus profond respect. Sa réputation de sainteté s’étendit bientôt au loin : de toutes parts, on venait solliciter ses prières et lui apporter des offrandes. Ses richesses ne tardèrent pas à devenir considérables ; mais son influence était plus grande encore, et les Turcs eux-mêmes la respectaient. Les descendans de ce saint personnage furent à leur tour regardés comme les protégés de Dieu ; en leurs mains habiles, cette puissance était toujours restée considérable. Lorsque la guerre reprit contre nous, Ben-Allell, le chef des Embarek, marabout vénéré, guerrier illustre, fut nommé par Abd-el-Kader son khalifat à Milianah, et le premier acte de sa puissance fut de détruire l’autorité que les Omar, depuis longues années déjà, avaient su se créer parmi les tribus.

La famille des Omar a des annales plus curieuses encore que celles des Ben-Yousef et des Si-Embarek. Leur histoire[2] se rattache à une de ces fortunes turques qui, selon l’expression arabe, se créent par le bras, et elle est dominée, dans sa plus récente période, par le dévouement d’une noble femme dont le courage héroïque a deux fois relevé sa famille abattue.

Le plus célèbre des Omar est un de ces soldats turcs dont chacun pouvait se dire en entrant dans la milice : « S’il est écrit, je serai pacha ! » Méhémet-Ali, relâchant à Metelin lorsqu’il se rendait en Égypte, rencontra Omar[3], dont le frère occupait depuis quelques années déjà une position élevée auprès du pacha d’Alger. Mehémet-Ali et Omar se lièrent d’amitié et partirent ensemble pour tenter la fortune ; mais, à peine arrivé en Égypte, Omar reçut une lettre de son frère Mohamed, qui l’appelait près de lui. Les deux nouveaux amis se séparèrent, non sans s’être juré que le premier qui réussirait ferait partager son sort à l’autre. À Oran, où son frère était devenu khalifat du bey, la belle taille

  1. Rhamès, espèce de métayer qui cultive au cinquième.
  2. Nous devons la connaissance de cette histoire à l’obligeance de M. Roches, notre consul-général à Tanger, qui a bien voulu nous communiquer quelques-unes de ses curieuses recherches.
  3. Il était né en 1775.