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se servir impunément de cette suprématie contre l’église. Son premier soin fut d’affranchir les catholiques des lois qui les excommuniaient en quelque sorte de la société civile et politique. Pour cela, il fit revivre le dispensing power, le droit de dispense, qui avait été anciennement revendiqué par certains rois. En vertu de ce droit, le roi dispensait individuellement ses sujets de l’observation des prescriptions légales. Quelques juges refusèrent de reconnaître cette prérogative : Jacques les destitua, et Jacques usa du dispensing power pour donner des emplois civils et militaires à des catholiques ; il fit plus, il conféra à des catholiques des bénéfices dans l’église anglicane. Au moyen de sa suprématie ecclésiastique, il chercha à faire des évêques et du haut clergé les instrumens même où les témoins passifs de la destruction de leur église. Il confia l’exercice de sa suprématie à une sorte de conseil de tribunal des affaires ecclésiastiques sous le nom de court of hiqh commission. Il s’attaqua bientôt aux sanctuaires de l’anglicanisme, les universités d’Oxford et de Cambridge, en essayant de les forcer de donner à des catholiques leurs premières dignités. Les universités portèrent à ses pieds les remontrances les plus humbles, et invoquèrent les lois les plus positives pour s’excuser de ne point obéir aux royales volontés. La haute commission condamna les réfractaires, et fit prévaloir les ordres du souverain. Jacques frappa enfin un plus grand coup. Il promulgua une déclaration d’indulgence qui suspendait toutes les lois pénales, non-seulement contre les catholiques, mais contre toutes les sectes dissidentes, abrogeait le serment religieux qui excluait des fonctions les non-conformistes, et décrétait la liberté des cultes. Dans sa forme, cet acte était inconstitutionnel, puisqu’il annulait par la seule vertu du bon plaisir des lois votées par le parlement. Dans sa pensée, il était difficile de voir un sincère esprit de tolérance. L’idée même de la tolérance n’entrait pas dans l’intelligence des hommes de ce temps ; le prosélytisme religieux était, en effet, si fervent encore, que toutes les sectes visaient à la suprématie, et qu’il était bien entendu qu’elles ne réclamaient la liberté que comme un moyen d’y parvenir plus facilement et plus tôt ; seuls les quakers et leur chef William Penn, qui, du reste, avait la faveur de Jacques II, souhaitaient sincèrement la paix entre les diverses communions chrétiennes. La tolérance n’était pas davantage dans le caractère de Jacques II. Duc d’York, il avait été persécuteur impitoyable des presbytériens d’Ecosse ; roi, il avait fait poursuivre avec cruauté des théologiens puritains. Quand les huguenots, exilés par la révocation de l’édit de Nantes, étaient venus chercher un asile en Angleterre, le peuple anglais avait spontanément ouvert des souscriptions pour ces victimes parlantes de l’intolérance catholique ; Jacques avait ordonné que cet argent ne fût distribué qu’à ceux des huguenots qui accepteraient le rituel de l’église anglicane. La déclaration d’indulgence ne fut donc considérée