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et, lorsque Guillaume débarqua en Angleterre, il annula par sa désertion l’armée du roi.

Jacques II avait quatre sortes d’amis : des amis politiques, éclairés et indépendans, comme Halifax ; des amis intimes et soumis, qui mettaient tout à ses pieds, sauf cette partie de leur conscience et de leur honneur qui touchait à la religion, comme Rochester et Clarendon ; il avait encore des amis aveugles et violens, flatteurs de ses passions et de ses préjugés, comme Petre, Jermyn et Talbot ; des amis corrompus qui lui cédaient tout tant qu’il pouvait tout leur accorder, comme Sunderland et Churchill. Les premiers auraient pu lui donner un règne heureux et populaire ; les seconds auraient pu le sauver ; les troisièmes le perdaient ; les quatrièmes étaient prêts à le trahir. En repoussant les uns et se livrant aux autres, Jacques II laissait peu de chose à faire pour sa ruine aux événemens et à ses ennemis.


IV

Au moment où nous allons voir se mêler et se résoudre dans les événemens les antagonismes de nécessités historiques, d’institutions politiques, d’idées, d’intérêts, de partis et d’hommes que nous avons successivement signalés, embrassons-les une dernière fois dans un coup d’œil d’ensemble. Il y avait depuis un siècle une question pendante entre la royauté et la nation : l’autorité royale prévaudrait-elle contre les libertés nationales ? Cette question était résolue sur le continent en faveur de la royauté absolue ; elle était indécise encore en Angleterre à l’avènement de Jacques II. L’indécision du conflit historique laissait subsister le conflit politique ; les relations du pouvoir royal et du parlement, organe de la volonté nationale, étaient mal assises ; le parlement était très puissant contre le roi, puisque le roi ne pouvait lever d’impôts, percevoir de revenus, c’est-à-dire gouverner, que par le vote du parlement ; le roi était tout-puissant contre le parlement, puisque le parlement était élu et votait, les revenus pour la durée du règne, et puisque le roi, une fois le revenu voté, avait le droit de proroger ou de dissoudre le parlement, et par conséquent de gouverner en dehors du contrôle de la volonté nationale, tant qu’aucun évènement imprévu ne lui susciterait pas de nouveaux besoins d’argent. Si donc la royauté absolue triomphait comme sur le continent, il fallait que le principal privilège parlementaire fut abrogé ; si au contraire la royauté et la volonté nationale se devaient concilier dans la direction du gouvernement, il fallait que le parlement eût une existence indépendante de l’arbitraire royal et que les privilèges parlementaires augmentes. Ce double débat était soutenu dans le pays par