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je ferai tous mes efforts pour arriver à la foi que vous désirez m’inculquer ; mais ne me dites pas, tandis que j’applique toute mon ame à cet objet, que si elle ne peut se convaincre, je perdrai tout, car il faut que je vous dise qu’il y a d’autres considérations. — Dites, dites, interrompit le roi avec un juron. — J’espère, sire, reprit le malheureux Rochester, que je ne vous ai point offensé ? » Jacques le rassura ; mais, quinze jours après, avec de sincères témoignages de regret, avec des larmes même, il le renvoya de son service. Tels étaient les tories, les royalistes, les amis dont Jacques II se séparait, avec lesquels il ne voulait pas même entrer en compromis.

Avant Rochester et Clarendon, Jacques avait exclu du ministère Halifax, un des hommes les plus accomplis de ce temps. Halifax lui avait pourtant rendu les plus grands services parlementaires. Son éloquence avait fait échouer dans la chambre des lords le bill d’exclusion voté par les communes pour dépouiller Jacques II de son droit héréditaire à la couronne ; mais Halifax était un esprit élevé, modéré, indépendant : il était trimmer. On comprendra que Jacques II ne pût l’associer à ses secrets desseins, en lisant le portrait que M. Macaulay a tracé de lui. Je détache ces pages, écrites avec une si pénétrante finesse, et où nous autres, qui avons vécu dans une époque analogue à la révolution de 1688, nous pouvons retrouver quelques traits sympathique des hommes qui ont passé devant nous.

« Entre les hommes d’état de ce siècle, Halifax, par le génie, était le premier. Son intelligence était fertile, subtile, profonde ; son éloquence polie, lumineuse et animée, relevée par les notes argentines de sa voix, faisait les délices de la chambre des lords ; sa conversation débordait de pensée, de fantaisie et d’esprit. Ses traités politiques méritent d’être étudiés pour leur valeur littéraire, et lui donnent droit à une place parmi les classiques anglais. Au poids de talens si grands et si variés, il unissait l’influence qui appartient au rang et à de vastes possessions. Cependant il était moins heureux en politique qu’un grand nombre d’hommes qui n’avaient pas ses avantages. En effet, les qualités d’esprit qui font le mérite de ses écrits l’embarrassaient souvent dans les conflits de la vie active. Il voyait toujours les événemens courans non par l’aspect sous lequel ils se présentent communément à ceux qui y prennent part, mais du point de vue sous lequel ils apparaissent, après de longues années écoulée, à l’historien philosophe. Avec ce tour d’esprit, il ne pouvait long-temps continuer à marcher d’accord avec aucune réunion d’hommes. Tous les préjugés, toutes les exagérations des deux grands partis qui divisaient l’état soulevaient son mépris. Il méprisait les basses menées et les folles clameurs des démagogues. Il méprisait encore plus les doctrines tories le droit divin et d’obéissance passive. Il raillait impartialement la bigoterie du partisan de l’église et la bigoterie du puritain. Il lui était également impossible de comprendre comment des hommes avaient quelque objection contre le culte des saints et les surplis, et comment des hommes pouvaient persécuter d’autres hommes pour