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Quand les Stuarts succédèrent aux Tudors, le XVIIe siècle commençait. S’il n’y eût eu dans l’atmosphère morale de ce temps que des idées et des intérêts politiques, il est visible que le choc de la royauté et des prétentions populaires eût été inévitable et prochain ; mais des doctrines, des passions, des rivalités bien autrement vives, puissantes, enflammées, possédaient les esprits et allaient provoquer une plus prompte et plus formidable explosion. La réforme du XVIe siècle avait compliqué d’idées et de sentimens religieux le rôle du pouvoir royal vis-à-vis des libertés anglaises.

En Angleterre c’était le pouvoir royal qui avait fait la révolution religieuse. Il avait cru la faire à son profit. Henri VIII n’avait voulu opérer qu’un seul changement dans la constitution ecclésiastique : substituer sa suprématie à celle du pape. Avec la violence de son tempérament, aidée des moyens de séduction que lui procura le pillage des abbayes, Henri VIII réussit : il fit brûler les protestans comme hérétiques, et fit pendre les papistes comme traîtres ; mais son système mourut avec lui. Représentée par un enfant comme Édouard VI ou par une femme comme Elisabeth, la royauté ne pouvait garder le caractère sacerdotal que Henri VIII avait usurpé ni exercer le pontificat suprême. Isolée entre les deux églises ferventes et conséquentes, attaquée à la fois par les catholiques fidèles et les protestans enthousiastes ; l’autorité schismatique de Henri VIII devait périr le jour où se glaça la main du tyran. Il fallait que le gouvernement retournât à l’ancienne foi ou gagnât le concours des protestans. De cette nécessité sortit la constitution de l’église d’Angleterre : ce fut un compromis entre le catholicisme et le protestantisme, une transaction perpétuelle entre l’affirmation orthodoxe et la négation hérétique. L’église d’Angleterre resta catholique dans une portion de la liturgie, et fut protestante dans une portion de ses dogmes. Comme le catholicisme, elle conserva l’épiscopat ; comme les protestans, elle lui dénia le caractère d’une institution indispensable à l’existence des sociétés chrétiennes. Avec les catholiques, elle maintint les prières uniformes ; pour se rapprocher des protestans, elle les traduisit en langue vulgaire. Elle ôta le caractère de sacremens à la confirmation et à l’ordre, mais elle les pratiqua comme des rites pieux. Elle abolit la confession, mais elle conseilla aux mourans d’avouer leurs péchés, et donna le pouvoir à ses ministres de les absoudre. Elle dépouilla le prêtre de la dalmatique d’or et de la chape flamboyante, mais elle lui laissa la robe de lin, l’aube du lévite, mystique emblème de pureté. Elle différa surtout des autres églises dans ses rapports avec le pouvoir royal. Elle avait le roi pour chef, non plus dans le sens dogmatique du pontificat de Henri VIII : les trente neuf articles de l’église d’Angleterre, rédigés sous Elisabeth, déclarèrent, dans les termes les plus solennels, que le ministère de la