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me répondit-il avec un triste sourire ; vous savez à quelle école j’ai pris mes degrés. Je me suis assez mesuré avec la souffrance pour n’estimer la vie que ce qu’elle vaut. Mais descendons, vous n’avez plus rien à m’apprendre sur votre affaire, et d’ici à peu de jours, j’espère avoir de bonnes nouvelles à vous donner.

Nous descendîmes précipitamment, et nous fûmes en quelques instans sur la grande place déserte où débouche le Callejon del Arco. Là, nous nous séparâmes, le licencié pour se diriger vers la rue de los Batanes, moi pour prendre celle de la Monterilla. — À bientôt ! me dit don Tadeo en s’éloignant. — À bientôt, répondis-je, bien que je partageasse pas intérieurement la confiance de l’intrépide légiste. Je ne pouvais pas m’empêcher, en effet, de comparer don Tadeo à ces dompteurs de bêtes féroces qui nous étonnent souvent par les victoire de leur courage et de leur adresse, mais que la moindre imprudence peut transformer en victimes au milieu même de leur périlleux triomphe.


IV

J’eus quelque raison d’abord de persister dans ma défiance, et un mois se passa sans que don Tadeo me donnât signe de vie Enfin, un billet qu’il m’écrivit par la main de son clerc Ortiz vint m’expliquer ce long retard. Deux causes l’avaient empêché de s’occuper de mon affaire avec son activité ordinaire. « Il en est une que vous devinez peut-être, me disait-il ; le glas que nous avons entendu tinter il a un mois était pour elle. Quand, remis de ma douleur, j’ai voulu reprendre mes travaux, je me suis vu retenu au lit par une blessure, heureusement peu dangereuse, reçue dans un de ces guet-apens dont j’ai déjà plus d’une fois failli être victime. Cependant je plus vous annoncer que votre affaire est maintenant en bon chemin. J’ai fini, non sans peine, par découvrir la demeure de Dionisio Peralta, et j’ai mis à ses trousses les trois drôles que vous savez. — Adieu ; ne faites aucune démarche pour me voir, et sous peu vous recevrez d’autres nouvelles plus satisfaisantes. »

Huit jours à peine s’étaient passés quand je reçus un nouveau message du licencié. Ce message était un bulletin détaillé de la campagne qu’il venait de conduire contre Dionisio Peralta, et qui s’était heureusement terminée. Pepito Rechifla, l’Américain John Pearce, le Mexicain Navaja, s’étaient successivement présentés chez Dionisio Peralta, pour réclamer, disaient-ils, le paiement d’une créance qui leur était cédée par leur ami le licencié don Tadeo. Dionisio Peralta, qui était malgré ses airs de gentilhomme, un drôle de leur famille, les avait reçus d’abord avec toute l’arrogance d’un capitan de comédie ; mais