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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

pour la plupart été nécessités par des dettes antérieures à l’administration de Pitt, et que les autres étaient justifiés par des dépenses véritablement extraordinaires. Le budget fut voté sans difficulté.

Après le budget vint le tour du bill sur le tabac ; mais les esprits s’étaient calmés dans l’intervalle, un examen plus approfondi de la question avait démontré à tous les hommes de bonne foi l’exagération des premières alarmes : l’ensemble de la situation financière du pays avait été mis sous les yeux du public, et la nécessité d’augmenter encore le revenu avait frappé tout le monde. Les espérances de l’opposition s’étaient évanouies par son échec à propos du budget. On était d’ailleurs arrivé au milieu de l’été, et Londres avait pris la physionomie habituelle de cette capitale à cette époque de l’année. Tous les habitans aisés l’avaient quittée pour aller s’établir à la campagne. Beaucoup de membres du parlement en avaient fait autant. À peine pouvait-on trouver dans les deux chambres le nombre de membres suffisant pour former ce qu’on appelait le quorum. Les bancs de l’opposition étaient les plus dégarnis, de sorte qu’il ne pouvait y avoir le moindre doute sur le vote final. Il n’y avait, dans la séance du 15 juillet, que 90 membres présens dans la chambre des communes quand la troisième lecture du bill fut votée. 70 voix se prononcèrent pour, et 20 contre. Ce résultat fut précédé d’une discussion assez vive.

Un membre s’étant plaint en ricanant que l’opposition, après avoir fait grand bruit contre le bill, eût déserté la fin du débat, Fox répondit avec une amertume qui prouve à quel point l’ascendant de Pitt était devenu irrésistible. « S’il n’avait pas, dit-il, donné à ses démarches contre le bill plus d’activité, c’est qu’il avait vu dès l’origine combien il était impossible de l’attaquer avec avantage. Le caractère de la nation était si changé, qu’elle s’était éprise tout à coup d’une belle passion pour les taxes et les collecteurs de taxes, notamment pour l’excise, qu’elle avait toujours détestée jusque-là. » — « Je ne suis pas venu aujourd’hui dans cette chambre, ajouta Fox, avec l’espoir de faire échouer le bill, mais avec l’intention de dire une fois tout ce que je pense sur l’excise. Quand l’excise sur le tabac rapporterait 1 million sterling par an, je m’y opposerais encore. C’est précisément le succès probable de cette mesure qui m’effraie, parce que j’y vois l’annonce que, par degré, tout notre commerce sera livré à l’excise. Or, l’excise est inconciliable avec notre liberté. L’Angleterre est dans un moment où elle se distingue parmi toutes les nations par ses lumières et ses richesses. Si les lois de l’excise devenaient générales, la nation cesserait d’être libre, et elle cesserait en même temps d’être éclairée et industrieuse. La boutique du marchand, l’atelier de l’industriel, ne sont-ils pas aussi bien leur château que la demeure du gentilhomme ? Pourquoi violer cet