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sentées par le comité avaient été basées sur un établissement de paix ; de nouveaux besoins avaient rendu de nouvelles dépenses nécessaires, et il ne pensait pas que la chambre dût les regretter, car elles avaient servi à soutenir l’honneur et la puissance de l’Angleterre. Il était convenable d’ailleurs d’attendre quelques années avant de juger dans son ensemble le plan du comité, et il ne doutait pas que toutes ses assertions ne sortissent victorieuses de l’expérience. Fox répliqua à Grenville avec beaucoup d’énergie ; il alla jusqu’à comparer la situation de l’Angleterre à celle de la France, qu’un déficit financier venait de jeter dans une révolution. « L’exemple de la France, s’écria-t-il, nous avertit qu’il ne faut pas tromper une nation sur l’état de ses ressources. Sachons profiter de cette leçon. En France, le délabrement des finances a été la conséquence du pouvoir absolu, et ce pays se venge sur le pouvoir absolu du délabrement de ses finances ; c’est le fils trompé d’un père maudit qui veut s’affranchir par un parricide. Chez nous, le crédit public est né de notre liberté ; prenons garde que notre liberté ne périsse par les abus de notre crédit public. »

Depuis l’avènement de Pitt, son administration n’avait jamais donné lieu à des critiques aussi fondées, et cependant l’immense majorité du pays n’eut pas même l’air d’y prendre garde. Le système financier du premier ministre avait reçu deux graves échecs dans cette session, d’abord la révocation d’une taxe qu’il avait créée et obstinément soutenue, celle des boutiques, ensuite la présentation forcée de deux emprunts, quand il avait annoncé qu’il n’en ferait plus, et qu’il acquitterait au contraire les anciens. Quelques-unes des objections de l’opposition avaient, on peut le dire, le caractère de l’évidence ; dans un pays moins habitué à la discussion publique, on aurait dit généralement que le plan du ministre avait échoué, et qu’il fallait en chercher un autre. Les Anglais comprirent parfaitement qu’il n’en était rien au fond. Sans doute, l’excédant d’un million sterling annoncé par Pitt n’avait été obtenu en apparence depuis trois ans que par des anticipations : en réalité, les recettes ordinaires n’avaient fait que se balancer avec les dépenses ordinaires pendant ces trois années ; mais les recettes publiques, qui ne donnaient en 1783 que 12 millions et demi sterling, avaient donné en 1788, de l’aveu même de Sheridan, 15 millions ; les nouvelles mesures proposées par Pitt et le progrès de la richesse publique devaient accroître le revenu pour l’année suivante, et le porter à bien près de 16 millions ; or, cette somme de 16 millions était suffisante pour couvrir toutes les dépenses, amortissement compris. On était donc bien près du moment où les promesses de Pitt, démenties jusque-là, allaient se réaliser. Sheridan avait aussi quelque raison de dire que la dette s’était plutôt accrue que diminuée depuis 1786 ; mais il aurait fallu dire en même temps, pour être juste, que les nouveaux emprunts avaient