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années de la terreur, a dû fermer brusquement ses portes en 1849. C’est encore là un des mille résultats funestes de la révolution de février. L’Opéra, d’ailleurs n’est pas le seul théâtre de Paris dont la prospérité ait été atteinte par les événemens politiques combinés avec l’influence du choléra. Tous, se trouvant dans une situation critique, ont réclamé de l’autorité supérieure un secours provisoire qui leur permît de traverser la saison d’été et d’attendre des jours meilleurs. Sans vouloir préjuger quelle sera la décision du ministre de l’intérieur à l’égard de l’Opéra, il n’est pas hors de propos d’examiner ici, en passant, quel serait le meilleur parti à prendre pour donner à ce grand établissement national une impulsion salutaire et féconde.

Fondée par la munificence de Louis XIV, en 1674, l’Académie royale de Musique a changé plus souvent de directeurs que la monarchie de ministres. Ce charmant empire des graces, des chants et des ris, comme on disait alors, formait un département des menus plaisirs de la couronne, et subissait le contrecoup des révolutions qui éclataient parmi les dieux de l’Olympe. On se disputait la direction de l’Opéra comme la source d’une puissance occulte avec laquelle on espérait s’emparer de l’esprit du maître et gouverner l’état.

Que les temps sont changés !…

En 1790, le théâtre de l’Opéra tomba en partage à la ville, de Paris, qui l’avait déjà eu plusieurs fois sous sa dépendance ; mais, à partir du commencement de ce siècle jusqu’en 1831, il fut administré par des fonctionnaires publics pour ce dernier régime, l’Opéra a joui de trente années de prospérité. Il a produit un nombre considérable d’ouvrages nouveaux, parmi lesquels on peut signaler quelques chefs-d’œuvre, tels que la Vestale de Spontini, la Muette de Portici de M. Auber, et surtout le Guillaume Tell de Rossini. Après la révolution de juillet, un autre système a prévalu dans la direction de l’Opéra. : ce grand théâtre fut abandonné alors aux chances d’une entreprise particulière, avec une subvention de 800,000 francs, subvention qui a été réduite successivement à la somme de 620,000 francs, chiffre fixé par le dernier cahier des charges ; mais, indépendamment de cette subvention ordinaire, l’Opéra a eu aussi son budget extraordinaire, qui, sous le nom de secours provisoire, s’est monté l’année dernière jusqu’à la somme de 200,000 francs. Sous le nouveau mode d’exploitation, l’Opéra n’a eu qu’une prospérité passagère de quelques années. Grace aux deux belles partitions de M. Meyerbeer, Robert-le-Diable et les Huguenots, grace aussi au magnifique talent de M. Duprez et au concours d’un grand nombre d’autres artistes diversement distingués, le théâtre de l’Opéra a eu une phase assez brillante depuis 1831 jusqu’en 1839 ; mais, à partir de l’année 1840, la décadence de ce bel établissement a été visible pour tout le monde, et la révolution de février n’a fait que précipiter son agonie, qui durait depuis dix ans.

Il nous semble qu’il n’y a que deux mesures efficaces à prendre à l’égard de L’Opéra : il faut abandonner ce théâtre ainsi que tous les autres aux orages et aux bénéfices de l’indépendance, sans aucune espèce de restriction ni de subvention, ou bien il faut le ramener complètement sous la tutelle de l’état. Que l’Opéra redevienne une institution nationale chargée de représenter de grandes conceptions lyriques, un spectacle magnifique qui fixe l’attention et dirige le