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REVUE. — CHRONIQUE.

de l’industrie des chemins de fer, qu’à la fin de 1847, époque où les lignes en exploitation donnaient leurs plus beaux produits, la valeur des actions n’atteignait pas le taux représenté par les bénéfices qu’elles procuraient.

Vint la révolution de février. En laissant de côté toute considération politiques, nous dirons seulement que cet événement portait au pouvoir les hommes qui avaient attaqué les concessions avec le plus de persistance, et qui rêvaient pour l’état, suivant les inspirations du socialisme, nous savons aujourd’hui quel rôle de producteur ou de pourvoyeur universel, dont heureusement les essais n’ont abouti à rien de définitif ni d’absolu. Toutefois, si le projet de reprise des chemins de fer par l’état a rencontré immédiatement à l’assemblée constituante, et notamment dans le comité des finances, une opposition qui l’a fait avorter, il faut reconnaître qu’il est résulté de cette malheureuse tentative de spoliation pour cause d’utilité publique une atteinte grave à la sécurité de la propriété des concessions. Les conséquences de cet acte audacieux et insensé pèsent encore aujourd’hui lourdement sur les valeurs de ces entreprises. Il y a là un capital d’un milliard en discrédit marqué à divers degrés ; c’est un mal, un très grand mal, et il faut dire que, jusqu’à présent, aucun acte positif du gouvernement n’est venu y apporter un remède de quelque efficacité. Si les entreprises de chemins de fer ont continué à exister, c’est à la suite d’un retrait par le ministre des finances (alors M. Goudchaux) du projet de rachat, et après une déclaration jugée peu explicite, même en 1848, que ce projet ne serait pas repris par lui.

Lorsqu’avant l’élection du 10 décembre le président actuel de la république fit connaître ses vues sur le gouvernement, sur l’administration, et exposa les principes généraux d’économie politique qui lui serviraient de règles, il écrivit, dans un document devenu historique, ces sages paroles (29 novembre 1848) : « Rétablir l’ordre, c’est ramener la confiance. Protéger la propriété, c’est maintenir l’inviolabilité des produits de tous les travaux, c’est garantir l’indépendance et la sécurité de la possession, fondemens indispensables de la liberté civile,… éviter cette tendance funeste qui entraîne l’état à exécuter lui-même ce que les particuliers peuvent faire aussi bien et mieux que lui : la centralisation des intérêts et des entreprises est dans la nature du despotisme ; la nature de la république repousse le monopole, etc. » Ce peu de mots impliquaient toute une régénération économique, et, quand l’élection du 10 décembre eut prononcé, il fut permis d’espérer que le gouvernement allait suivre, notamment à l’égard de l’industrie des chemins de fer, une marche rationnelle propre à ranimer l’esprit d’association. Le chef du nouveau cabinet vint fortifier cet espoir dans la séance du 26 décembre, où il exposa les vues du ministère. « Nous appelons à notre aide, dit M. Odilon Barrot, l’esprit d’association et les forces individuelles. Nous pensons que l’impulsion de l’état doit, partout où cela est possible, se substituer à l’exécution directe par l’état… »

Malheureusement le désaccord entre le gouvernement et l’assemblée constituante, qui se manifesta promptement, dut faire ajourner toutes les espérances d’amélioration jusqu’à la réunion de l’assemblée législative, et l’industrie en fut réduite à attendre, sous le poids des plus pénibles difficultés de la situation, le meilleur avenir que lui faisaient entrevoir les élections générales du 13 mai. Après ce grand événement politique, le message du président, attendu avec