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cette constitution. On sait après quelles luttes l’incompatibilité parlementaire a été levée naguère pour les catholiques. Les lords se sont acharnés à la maintenir pour les israélites.

À l’extérieur, la politique de l’Angleterre, quoique difficile à préciser, s’est montrée moins ennemie de l’esprit révolutionnaire. C’est ainsi que dans les derniers jours de la session certaines paroles de lord Palmerston sur les affaires d’Autriche ont donné lieu de penser qu’il n’était nullement hostile à l’insurrection de la Hongrie. Naguère, lorsque la Russie est intervenue dans les principautés du Danube, le ministre whig, que l’on croyait très favorable à l’indépendance de la Turquie, a déclaré que l’Angleterre n’avait rien à voir dans cette querelle, et que c’était une question à débattre entre le czar et le sultan. Lord Palmerston montre moins de complaisance pour la Russie dans les affaires d’Autriche ; l’intervention du czar en Hongrie l’inquiète. Il ne parle point en ennemi de l’Autriche, l’alliance autrichienne est une des traditions de la politique anglaise ; il consent à reconnaître que l’existence de l’Autriche est nécessaire à l’équilibre européen, mais il eût désiré qu’elle se maintînt sans un appui du dehors, sans l’appui du czar, qui va la dominer, et pour lequel lord Palmerston est aujourd’hui plein de défiance. Que lord Palmerston nous permette de ne pas prendre ses paroles aussi fort au sérieux que l’ont fait les radicaux anglais et les amis un peu crédules des Magyars. En Autriche et en Russie, on connaît les boutades du chef du Foreign-Office, et l’on ne s’en formalise point. N’est-il pas d’ailleurs un peu tard pour faire le procès de l’alliance autro-russe ? La Russie est engagée dans cette question de manière à n’en pouvoir sortir que victorieuse, si elle ne veut avoir à lutter sur son propre sol pour son existence même. On peut supposer qu’elle soit battue et qu’elle perde en Hongrie sa première armée, nous ne sommes pas de ceux qui la croient invincible : il est pourtant à penser qu’elle n’abandonnerait pas la partie sur un désastre ; il lui faudrait du temps, une année peut-être, pour ramener en ligne une seconde armée, mais elle jouerait jusqu’à son dernier homme pour avoir le dernier mot dans cette guerre. Il y a eu une époque où l’intervention de la Russie en Autriche pouvait être évitée : c’est le moment où les Slaves confians entouraient avec dévouement le trône du jeune empereur ; mais, depuis que les fautes du cabinet autrichien et de ses généraux allemands ont jeté la perturbation dans les esprits et dans les faits, depuis que le découragement s’est répandu parmi les peuples qui avaient jusqu’alors défendu l’Autriche, la résistance des Magyars étant devenue facile, l’intervention des Russes est à son tour devenue inévitable. La diplomatie, n’ayant plus aucun moyen d’arrêter cette guerre, ne peut plus prétendre qu’à en tempérer les conséquences.

Les conséquences possibles de l’intervention russe en Autriche ont paru plus graves à Londres et à Constantinople depuis le rapprochement que l’on suppose opéré entre la Russie et la France. Que va faire à Saint-Pétersbourg le général Lamoricière ? La satisfaction que ce fait paraît avoir causée en Russie prête à toutes les conjectures. Il y a peu de jours, un écrivain qui, de Varsovie, adresse ses impressions à une feuille allemande, allait jusqu’à comparer la mission du général Lamoricière, l’importance et les intentions, au voyage du duc d’Orléans à Berlin. — C’est aujourd’hui, ajoutait-il, que les constitutionnels allemands doivent réfléchir ; les voilà bien et dûment abandonnés par