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avons des conditions à faire, mais nous en avons aussi à subir : pourquoi n’offririons-nous pas loyalement et de nous-mêmes ce que l’Espagne a droit de réclamer ? Pourquoi ne proposerions-nous pas, par exemple, en échange de concessions raisonnables, d’adoucir les rigueurs de notre tarif en ce qui concerne les laines et les vins de la Péninsule ? Nous aurons l’occasion de démontrer plus tard que cette mesure, loin de nuire à nos productions similaires, aurait pour ces productions un contre-coup favorable ; mais, encore une fois, hâtons-nous. Selon l’interprétation que va recevoir à Madrid la nouvelle loi douanière, les destinées commerciales de la France et de l’Espagne seront confondues à jamais, ou peut-être séparées pour long-temps. La question qui s’agite dans les bureaux de M. Mon est tout bonnement une question d’équilibre européen, et qui doit éveiller toute l’intelligente sollicitude de M. de Tocqueville. Il dépend de lui d’attacher son nom à l’un des faits internationaux les plus féconds et les plus durables que les intérêts modernes aient fait surgir.

Des bruits de crise ministérielle circulent depuis quelques jours à Madrid. On va jusqu’à dire que les dissentimens survenus dans le cabinet auraient pour objet la nouvelle loi douanière, dont certains membres, sous la pression des intérêts manufacturiers de Catalogne, voudraient non-seulement ajourner l’application, mais, qui plus est, modifier le principe. Avec l’Heraldo, qui puise tous ses renseignemens à bonne source, nous ne croyons pas un mot de cette version. La loi douanière a été présentée par M. Mon avec l’assentiment du cabinet tout entier, et les membres auxquels on fait allusion auraient certes pas attendu, pour se raviser, le moment où le vote réfléchi des deux chambres donne à la réforme des tarifs la sanction officielle de l’immense majorité des intérêts nationaux. Et d’ailleurs, qui peut sérieusement redouter un soulèvement en Catalogne ? Les égoïsmes prohibitionnistes de cette province sont aujourd’hui isolés, nous l’avons dit, des divers élémens qui faisaient autrefois leur force ; seuls, ils ne peuvent rien. Les Catalans sont eux-mêmes convaincus de l’impossibilité de toute tentative insurrectionnelle. Pour la première fois depuis quinze ans, la classe aisée de Barcelone a cru pouvoir aller recommencer dans les montagnes sa villégiature traditionnelle. La sécurité est telle, l’affluence des voyageurs si considérable dans ces gorges des Pyrénées, où naguère on ne pouvait pénétrer qu’avec une escorte, que la moindre chaumière y est louée à des prix fous.


— La session du parlement anglais vient de finir comme elle avait commencé, dans le calme, après avoir fourni une carrière fort paisible. L’événement le plus considérable dont le cabinet whig puisse se faire honneur s’est accompli loin de la métropole dans les colonies de l’inde. L’annexion longuement préparée du royaume de Pundjab aux possessions anglaises est un fait consommé. La portée de cette riche conquête ne peut manquer d’être immense pour l’avenir des Indes ; mais l’Angleterre ne paraît point tenir à la faire comprendre à l’Europe, dont elle aime mieux voir l’attention occupée sur d’autres objets.

Parmi les résultats parlementaires de cette année, le ministère se félicite surtout de la réforme de cet acte célèbre, vieux de deux siècles, auquel la Grande-Bretagne doit sa prospérité maritime. Le but que l’acte de navigation avait en vue est suffisamment atteint et vraisemblablement dépassé aujourd’hui. Le