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les lois d’impôt qu’il a présentées sont l’inévitable conséquence de la révolution ne conciliera donc pas beaucoup d’amis à cette révolution ; mais qu’y faire ? Une nouvelle révolution ? Ce serait un nouveau déficit que nous ferions. Nous ne voulons pas aborder ici cette grave question de l’état de nos finances, et chercher quels sont les remèdes, et s’il en est d’autres que ceux que propose M. Passy. Nous dirons seulement que la simple, mais instructive leçon que nous devons tirer de la liquidation que nous faisons de la révolution de 1848, c’est qu’un peuple qui a le goût des révolutions n’a jamais de bonnes finances. Nous espérons, du reste, que ces graves questions seront traitées dans ce recueil par les hommes les plus expérimentés.

La plaie faite à nos finances sera lente et difficile à guérir : elle se guérira pourtant d’autant plus vite, que la trace des injustices et des violences de la démagogie s’effacera plus promptement. De ce côté, nous ne saurions trop louer l’esprit qui anime la majorité de l’assemblée législative, et féliciter cette majorité de son activité et de sa fermeté, et nous pouvons encore ajouter, grace à Dieu, de son union. Nous parlions, il a quinze jours, de la réintégration de quelques magistrats suspendus par le gouvernement provisoire, et nous félicitions le ministère de cette initiative. Le cabinet avait en effet pressenti la pensée de la majorité. L’assemblée législative vient d’abolir purement et simplement le décret de M. Crémieux, et dès ce moment tous les magistrats frappés par ce décret peuvent remonter sur leur siége. L’assemblée législative a rendu aussi leur épée aux officiers-généraux qu’avait également frappés le gouvernement provisoire. On se souvient peut-être que le 16 avril 1848 le gouvernement provisoire faillit être renversé par les clubistes. Il fit battre le rappel, et, comme il se trouva qu’il y avait par hasard une garde nationale, — nous nous servons des expressions de M. de Lamartine, — cette garde nationale s’assembla et sauva le gouvernement provisoire. Que conclut de cette journée le gouvernement provisoire ? Qu’il fallait résister aux clubs qui l’attaquaient ? Fi donc ! C’eût été là une politique réactionnaire : il en conclut qu’il fallait céder aux cris des clubs, non pas à ceux qui demandaient la chute du gouvernement provisoire, mais à ceux qui criaient déjà contre les réactionnaires, et qui demandaient des destitutions, c’est-à-dire des places pour eux-mêmes. De là trois mesures merveilleuses du gouvernement provisoire : 1° une proclamation, et dans cette proclamation le gouvernement provisoire, attaqué par les amis de Blanqui, remerciait la garde nationale d’avoir sauvé la république. De qui ? Des clubs ? des socialistes ? de Blanqui ? — Eh non ! Il remerciait la garde nationale d’avoir sauvé la république du retour de la royauté et de l’invasion de la régence ! 2° un décret qui abolit l’inamovibilité de la magistrature et qui suspend plusieurs magistrats de leurs fonctions ; 3° enfin, un décret qui abolit la loi du 4 août 1839 et qui met à la retraite trente-huit lieutenans-généraux et vingt-sept maréchaux de camp. il était évident en effet que c’étaient, dans la magistrature, M. Poulle à Aix, M. Amilhau à Pau, M. Viger a Montpellier, M. Moreau à Nancy, etc., et dans l’armée MM. de Flahaut et de Fezensac, de Mortemart, de Castellane, Rullière, Gourgaud, Rapatel, de Bar, etc., qui avaient attaqué le 16 avril à Paris le gouvernement provisoire, et que c’était contre eux que la garde nationale était venue prêter main forte. L’assemblée législative a aboli cet étrange décret, et rendu à nos généraux l’épée qu’ils méritaient si bien de garder.