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les statues, après les monumens et les paysages, voir en Italie des Italiens, il y ait au moins ce tombeau qu’ils puissent aller visiter.

Pourquoi la France, en 1848, ne s’est-elle pas unie au Piémont pour délivrer l’Italie ? Pourquoi la république du gouvernement provisoire n’a-t-elle pas fait, pour l’indépendance de l’Italie, cette croisade qu’elle reproche à ses adversaires de ne point faire ? Pourquoi ! M. de Falloux a révélé la grande raison qui a retenu les hommes d’état du gouvernement provisoire : ils n’ont pas voulu s’allier à un roi ! Ils ont fait de la politique républicaine, eux qui reprochaient à la monarchie de faire de la politique dynastique ; ils ont fait de la politique de secte après avoir blâmé la politique de famille.

Ici, M. de Falloux, avec une hauteur et une justesse d’idées remarquables, a montré comment il y avait pour la France, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, une politique traditionnelle que tout le monde est tenu de suivre, à moins d’avoir la prétention de changer la nature des choses, une politique que les changemens de gouvernement ne peuvent pas changer, une politique enfin qui n’est que l’effet des causes qui ont créé ce qu’on appelle la société et la nationalité françaises. Qui donc peut croire que la société et la nation françaises soient nées du hasard, ou qu’elles dépendent des formes éternellement variables du gouvernement ? Non. Que la France soit une république ou une monarchie, elle n’en doit pas moins avoir le même ordre civil, c’est-à-dire le même respect pour la famille et la propriété. Que la France soit une république ou une monarchie, la nation française a les mêmes intérêts au dehors ; elle a le même intérêt à l’indépendance intégrale ou partielle de l’Italie, elle a le même intérêt à n’avoir pas à la fois pour ennemies l’Espagne au sud et l’Allemagne au nord ; elle a le même intérêt à l’indépendance de la Suisse, et, quand nous parlons de l’indépendance de la Suisse, nous entendons que la Suisse ne doit pas être autrichienne ou russe ou anglaise, mais nous entendons aussi que la Suisse ne doit pas être soumise à la démagogie, car la démagogie est une puissance qui vise au despotisme universel et qui nie plus insolemment qu’aucun monarque l’indépendance des frontières nationales. La démagogie ne respecte pas plus la nationalité que la propriété. Les intérêts politiques que la France a en Italie, en Suisse, en Allemagne, sont des intérêts permanens, et qui doivent durer ce que durera la nationalité française, dont ils sont la condition. C’est la vigilance sur ces intérêts fondamentaux qui constitue la politique française ; c’est ce qui en fait une politique indépendante des formes du gouvernement.

Nous remercions M. de Falloux d’avoir si bien mis en lumière ce que nous appelons les nécessités de la politique française au dedans et au dehors. Cela fait ressortir d’autant mieux l’instabilité des institutions et les dangers de cette instabilité, puisqu’il suffit d’un caprice du suffrage universel pour porter au dedans et au dehors une grave atteinte à cette politique dont dépend le maintien de la société et de la nationalité françaises.

L’indépendance de la papauté est un de ces intérêts permanens de la France, et, dans l’état actuel de l’Europe, comment assurer l’indépendance de la papauté, si ce n’est en conservant au pape la principauté temporelle que les siècles lui ont faite ? La séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel à Rome est un rêve et un vieux rêve, déjà éprouvé et condamné par l’histoire. À Byzance, le pouvoir temporel était séparé du pouvoir spirituel ; à côté de