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pièces de conviction pour rassurer, les incrédules qui élèvent des doutes sur vos croyances religieuses. C’est une religion d’autant plus facile à pratiquer, un dieu d’autant plus aimable, qu’ils sont toujours de votre invention. Nous en connaissons beaucoup pour notre part, nous voguons en plein polythéisme intellectuel, d’autant plus que, comme avant-goût de l’Olympe terrestre qu’on nous promet, tous ces dieux combattent chaque matin comme les dieux de l’Olympe antique. Ils se proclament défunts, offrent mutuellement de se faire dire des messes, se mettent à la retraite, se déclarent atteints de délire, et se jugent propres à faire le voyage de Paris à Charenton. Nous ne les accusons donc pas de ne pas croire à quelque chose, mais nous disons que nous connaissons le secret de ce quelque chose, nous savons quel est l’idéal religieux des radicaux. Si vous désirez faire la connaissance de ces religions et de ces dieux, nous allons vous donner les procédés et les méthodes au moyen desquels vous pourrez arriver à un résultat satisfaisant et à tout le moins analogue à celui de ces messieurs. Il y a deux variétés de radicaux : les modérés et les forcenés ; il y a donc aussi deux grandes religions, sans compter les sectes et les dissidences. Commençons par les modérés.

Voici l’idéal du radicalisme modéré, dans le temps où ce parti existait encore, et la méthode à suivre pour atteindre à ces hauteurs difficiles et pleines d’aspérités, comme vous allez voir. Prenez une page de Buffon sur les magnificences de la nature, deux ou trois pages du Dictionnaire philosophique contre les prêtres, la profession de foi du vicaire savoyard, puis, pour vous renseigner sur la nature de l’homme, quelques phrases de Laromiguière, l’homme profond que vous savez ; ajoutez la chanson du Dieu des bonnes gens ; mêlez le tout ensemble, vous obtiendrez une douce philosophie, une bénigne société de vieilles filles et de philanthropes, une bonne religion, naturelle et un dieu paterne. Si cela ne vous fait pas de bien, cela ne peut pas vous faire de mal. Voilà le vieil idéal radical, l’idéal classique. Il sait ses auteurs et les met à profit.

Le parti forcené est beaucoup plus romantique. Il n’a pas seulement des dogmes, il a aussi des pratiques, des liturgies, un culte, et ce culte n’a rien d’iconoclaste, croyez-le bien ; car, de ma vie, je n’ai connu pareils amateurs de marionnettes et de poupées en bois peint. Ceux-là sont très excentriques, très romantiques ; aucune teinte pédantesque de classicisme ne vient obscurcir leur idéal. Dire ce qu’est cet idéal est assez difficile : il faudrait véritablement la plume de l’auteur des Orientales pour vous en décrire les magnificences, ou celle de l’inventeur de l’abbaye de Thélème pour vous dépeindre cette religion bonne à réjouir les esprits et ces fétiches propres à faire écarquiller les yeux. Nous renonçons complètement à vous décrire les