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Il nous paraît donc indispensable de renoncer sans retard au système de télégraphie électrique que M. Foy a fait adopter sur les lignes françaises ; les embarras, les inconvéniens sans nombre des dispositions actuellement adoptées en font une loi. Le système à cadran de M. Westheaone nous semble appelé à remplacer la vicieuse combinaison en usage aujourd’hui. Si, néanmoins, l’administration tenait absolument à conserver, pour le télégraphe électrique, l’usage des signaux de Chappe, on pourrait dessiner ces signes sur un appareil à cadran et les faire successivement apparaître ainsi dessinés à la station extrême ; on pourrait tracer sur un même cadran deux ou trois séries des segmens concentriques portant deux ou trois séries des signaux de Chappe. Un de nos plus savans et de nos plus habiles constructeurs, M. Froment, construit et livré quelques télégraphes électriques sur ce modèle. On pourrait encore comme le propose M. Moigno, employer avec avantage un certain nombre de cadrans portant tous des signes différens, quatre-vingt-douze cadrans, si l’on veut, pour correspondre aux quatre-vingt-douze pages du vocabulaire phrasique de l’administration. Remplacer un cadran par un autre serait une opération de quelques secondes ; on indiquerait, par un signal particulier, celui des cadrans que l’on doit installer actuellement, celui des segmens dont les signes vont être transmis et doivent par conséquent, être remarqués et notés.

Nous ne voyons pas néanmoins pourquoi on s’obstinerait à conserver, dans la télégraphie électrique, l’usage des signaux de la télégraphie aérienne. Il n’y a qu’une utilité très contestable à combiner entre eux ces appareils qui ont été institués chacun en vue d’exigences très diverses. Les inconvéniens de cette fusion sont, au contraire, de la nature la plus grave. On limite, en effet, par là les ressources de la correspondance au répertoire très borné du vocabulaire de Chappe, et quelle nécessité d’enchaîner ainsi la langue des communications télégraphiques dans ce cercle étroit d’où elle ne pourra jamais sortir ?

Évidemment, le meilleur parti à prendre, c’est de renoncer à l’usage des signaux aériens et d’adopter le système à cadran de M. Westheaone. Un cadran circulaire portant les vingt-quatre lettres de l’alphabet et les dix chiffres de la numération est parcouru par une aiguille qui, par un mécanisme approprié, s’arrête à volonté devant chacune de ces lettres. Deux cadrans parfaitement semblables étant disposés aux deux stations extrêmes, par exemple à Paris et à Rouen, les aiguilles des deux cadrans sont d’abord placées sur un même signe servant de point de départ ; les cadrans sont ainsi réglés et mis d’accord. Si alors, sur le cadran de Paris, on amène successivement, l’aiguille devant les différentes lettres qui doivent composer un mot, le mécanisme de l’appareil présente l’aiguille au-devant des mêmes lettres sur le cadran de Rouen. L’employé peut ainsi lire et noter successivement les mots qui lui sont transmis. Pour indiquer la fin d’un mot, il suffit, à la terminaison de chaque mot, de ramener l’aiguille à la position de son point de départ. Tel est, en faisant ici abstraction des dispositions secondaires du mécanisme, le principe des télégraphes électriques que construit aujourd’hui M. Froment, et que nous avons vus fonctionner dans les ateliers de ce jeune et savant mécanicien. L’extrême simplicité, l’exactitude, la régularité du jeu de cet appareil, nous paraissent lui assigner le premier rang parmi les divers systèmes de télégraphes électriques exécutés jusqu’ici.

C’est à grand tort que l’on objecterait que, dans le système adopté par M. Froment,