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que les procédés que l’on a mis en œuvre pour utiliser cette action mécanique. Les différentes combinaisons imaginées ont donné naissance à autant de télégraphes particuliers, qui, bien qu’identiques par leur principe, différent cependant beaucoup entre eux par les détails secondaires de leur mécanisme Nous n’essaierons pas de décrire en particulier chacun de ces instrumens. Il nous suffira d’exposer, selon l’ordre historique, la constitution des trois systèmes de télégraphie électrique établis successivement aux États-Unis, en Angleterre et en France[1].

Le télégraphe électrique qui traverse aujourd’hui les États-Unis sur une étendue immense a été imaginé et construit par M. Samuel Morse, professeur à l’université de New-York. M. Morse a été long-temps regardé comme le premier et le seul inventeur de la télégraphie électro-magnétique. Cette gloire lui est cependant disputée aujourd’hui par de nombreux rivaux. On nous permettra de ne pas toucher ici à cette question de priorité, débattue de part et d’autre avec une passion infatigable. Il est bon, il est juste de rapporter à leur véritable inventeur la gloire de ces découvertes immortelles qui changeront un jour les destinées de l’humanité ; mais, quand une question de ce genre est obscure, complexe, hérissée de difficultés de toute espèce, il est permis d’en suspendre l’examen. M. Westheaone disait, en 1838, qu’il avait recueilli pour sa part les noms de soixante-deux prétendans à la découverte du télégraphe électro-magnétique. Jusqu’à plus ample informé, nous nous en tiendrons aux allégations de M. Morse, en laissant toutefois reposer sur lui la responsabilité entière de ses assertions.

M. Morse, qui prétend à l’honneur d’avoir le premier conçu l’idée de la télégraphie électrique telle qu’elle est établie aujourd’hui, assure qu’il a imaginé son télégraphe électro-magnétique le 19 octobre 1832. Il revenait de France aux États-Unis, à bord du paquebot le Sully. Dans une conversation avec les passagers, on parla de l’expérience de Franklin, qui avait vu l’électricité franchir, dans un espace de temps inappréciable, la distance de deux lieues. Il lui vint aussitôt à la pensée que, si la présence de l’électricité pouvait être rendue visible dans une partie du circuit voltaïque, il ne serait pas difficile de construire un système de signaux par lesquels une dépêche serait instantanément transmise. Pendant les loisirs de la traversée, cette idée grandit dans son esprit ; elle devint fréquemment l’objet des conversations du bord. On lui opposait difficultés sur difficultés, il les surmontait toutes ; au terme du voyage, le problème pratique était résolu dans sa pensée. En quittant le paquebot, M. Morse s’approcha du capitaine William Pell, et lui prenant la main : « Capitaine, lui dit-il, quand mon télégraphe sera devenu la merveille du monde, souvenez-vous que la découverte en a été faite à bord du paquebot le Sully. »

Une semaine après son retour, M. Morse s’occupa d’établir les bases pratiques de son système. Cependant, en raison de difficultés et de longueurs aisés à concevoir, ce ne fut que cinq ans après qu’il put l’établir sur une échelle étendue. Les expériences publiques qu’il exécuta, à l’invitation et par le secours du congrès des États-Unis, eurent lieu le septembre 1837. La distance à laquelle

  1. On trouvera, dans l’ouvrage sur la Télégraphie électrique récemment publié par M. l’abbé Moigno, la description très fidèle des divers procédés mis en usage pour l’application de l’électricité à l’art des signaux.