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à son dernier point de perfection, exigeait de nouvelles découvertes dans les propriétés de l’agent électrique. Ces découvertes ne se firent pas attendre.

En 1820, M. Arago observa ce fait fondamental, que l’électricité circulant autour d’une lame d’acier communique à l’acier les propriétés de l’aimant. Si l’on enroule autour d’une lame d’acier plusieurs tours de fil de cuivre et que l’on fasse circuler dans ce fil un courant électrique, en le mettant en communication avec une pile en activité, aussitôt la lame métallique est aimantée, c’est-à-dire qu’elle acquiert la propriété d’attirer, comme l’aimant, un disque de fer mobile. L’aimantation cesse dès que l’on interrompt le courant, de telle sorte qu’en établissant et rompant alternativement la communication avec la pile, on peut successivement donner et enlever à l’acier son aimantation.

C’est sur ce fait essentiel de l’aimantation temporaire de l’acier par les courans électriques qu’est fondé le principe de la télégraphie électrique moderne. Supposons en effet qu’il s’agisse d’établir une communication électrique entre Paris et Rouen. Plaçons à Paris une pile voltaïque en activité, étendons jusqu’à Rouen le fil conducteur de la pile et enroulons à Rouen l’extrémité de ce fil conducteur autour d’une lame d’acier. Le fluide électrique, en circulant autour de la lame d’acier, l’aimantera, et si l’on place au-devant de cette lame ainsi artificiellement aimantée, une pièce de fer mobile, aussitôt cette pièce de fer sera attirée et viendra se coller contre l’aimant. Maintenant que l’on interrompe le courant électrique, en supprimant la communication du fil conducteur avec la pile : aussitôt la lame d’acier revient à son état habituel, elle cesse d’être aimantée, elle n’attire plus le fer. Or, admettons que, pour se porter vers l’aimant, le fer stationnaire ait eu à vaincre la résistance d’un petit ressort : dès que le courant sera interrompu, le petit ressort ramènera la pièce de fer stationnaire à sa position primitive, puisque la puissance de l’aimant ne contre-balancera plus la tension de ce ressort. Ainsi, chaque fois que l’on établira et que l’on interrompra le courant, la pièce de fer sera portée en avant, puis repoussée en arrière. Par la seule action de la pile, on pourra donc exercer de Paris à Rouen une action mécanique qui donnera naissance à un mouvement de va-et-vient.

Si nous ajoutons maintenant que cet aimant artificiel peut recevoir tous les degrés de puissance, que, suivant ses dimensions et l’énergie du courant qui l’anime, il peut n’avoir que la force suffisante pour attirer un poids de quelques grammes, comme aussi il peut acquérir la force de mettre en mouvement des poids de plusieurs centaines de kilogrammes, on comprendra que le mouvement de va-et-vient dont nous venons de parler puisse s’appliquer à des leviers légers et très délicats, ou bien à des leviers composés de masses considérables ; on comprendra que cette force nouvelle, si facile à créer, si facile à anéantir, soit, comme on l’a dit, aussi propre à soulever le lourd marteau du forgeron qu’à mettre en mouvement le marteau le plus délié de l’horloger.

Ainsi, l’aimantation temporaire de l’acier ou du fer par l’influence d’un courant électrique donne le moyen d’exercer, à travers l’espace, un effet d’attraction et de répulsion, un mouvement continu de va-et-vient. La pile voltaïque permet à travers toutes les distances, de mettre un levier en mouvement. Tel est le principe fondamental de la télégraphie électrique. En effet, ce mouvement de va-et-vient une fois produit, la mécanique nous offre vingt moyens différens d’en tirer parti pour l’appliquer au jeu des télégraphes. Rien de plus varié