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et la présente à la foule prosternée. À droite et à gauche, les cardinaux, les prélats, tous les dignitaires ecclésiastiques, sont échelonnés sur les gradins dans l’ordre prescrit par le cérémonial. Aussi exact que Van der Meulen ou M. Horace Vernet, M. Maison daguerréotype toute la cour pontificale. Pas un ne manque des diacres, sous-diacres, camerieri segreti et clercs apostoliques. On y voit le patriarche grec et l’auditeur de rote, les gardes-nobles et les suisses en costume de valet de carreau, comme du temps de François Ier. Chacun y a son portrait plus ou moins ressemblant ; celui du pape, par exemple, ne l’est guère. Jusqu’à présent, aucun artiste, si ce n’est le sculpteur Bartolini de Florence, n’a su rendre la physionomie pleine de finesse et de douceur de Pie IX. Le cardinal Fieschi et quelques-uns de ses collègues sont mieux réussis. Je n’accuserai pas M. Maison de s’être montré minutieux ; il est clair qu’il était enfermé dans un programme : je trouve seulement qu’il n’a pas su tirer de ce programme tout le parti qu’il en pouvait tirer. L’ordre symétrique des personnages, loin de nuire au tableau, pouvait lui donner une tournure magistrale, comme dans les grandioses compositions des Florentins. Dans ce luxe de robes de pourpre, de vêtemens sacerdotaux brodés d’or, avec ces fauves ciselures de l’autel noyées dans la vapeur chaude de l’encens et scintillantes au reflet de mille cierges, que d’opulentes couleurs à pétrir, que de magiques effets à chercher ! M. Maison n’a donc jamais regardé d’étoffes vénitiennes ? il ne s’est donc jamais arrêté devant ces belles robes de gala dont Véronèse habille ses fastueux personnages ? Mais M. Ingres, M. Ingres lui-même ne tint pas à ce spectacle, lorsqu’il fit sa Chapelle Sixtine, si pleine de verve et de coloris. M. Maison paraît être un esprit calme et se possédant toujours dans les momens les plus difficiles. Son caractère tempéré et son cerveau correct le préserveront certainement dans sa vie d’artiste de tout écart. C’est pourquoi il a fait un tableau sans défaut saillant, assez bien ordonné et groupé, mais froid, étriqué et d’une molle couleur blonde, faute d’un grain de furia nécessaire pour échauffer tout ce paisible bon sens.

La plupart de ces tableaux religieux n’ont guère de religieux que le nom. Il n’est que trop vrai, l’inspiration fait défaut à la donnée classique, et cet ordre de composition révèle une déplorable infériorité. J’excepterai cependant un tableau de M. Jobbé-Duval représentant l’Evanouissement de la Vierge, où l’on remarque un beau choix de lignes, un arrangement magistral et un dessin dont la sévérité contraste avec le laisser aller général. Cela sent assez son fra Bartolomeo ; mais n’y aurait-il pas un moyen de remplir ces superbes contours d’une couleur un peu plus vivante ?

L’histoire profane n’a pas beaucoup plus de succès que l’histoire