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La première fut placée sous les ordres du général Sébastiani. Le général devait rejoindre la deuxième colonne, qui stationnait à l’Hôtel-de-Ville sous le commandement du général Taillandier.

La troisième fut placée sous mes ordres. Je n’avais eu jusqu’alors aucune fonction.

La quatrième, commandée par le général Duhot, occupait la place de la Bastille.

La cinquième, sous les ordres du général Renault, stationnait sur la place du Panthéon.

La sixième, formant la réserve du Carrousel, était commandée par le général Rullière.

La cavalerie, aux ordres du général Regnault de Saint-Jean-d’Angely, occupait la place de la Concorde.

Les instructions générales prescrivaient d’attaquer partout l’insurrection, si la nouvelle de la formation du ministère de MM. Thiers et O. Barrot, qui devait être publiée avant le jour, ne suffisait pas pour rétablir la tranquillité publique.

J’avais spécialement pour mission de gagner les boulevards et de me diriger vers la Bastille.

La colonne sous mes ordres se composait de quatre bataillons, un escadron et deux pièces de campagne, formant un ensemble de 1,800 à 2,000 hommes.

Le général de Salles m’était adjoint.

Je partis à six heures du matin du Carrousel. Après avoir détruit plusieurs barricades inoccupées dans les rues Neuve-des-Petits-Champs, Vivienne et Feydeau, le peloton d’avant-garde reçut le feu des hommes qui défendaient les barricades construites aux extrémités de la rue Montmartre et du faubourg. Deux soldats furent blessés. Le peloton riposta ; on courut sur les barricades, qui furent immédiatement enlevées. La colonne prit aussitôt la direction de la porte Saint-Denis.

Aucun homme armé ne se présentait sur le boulevard. Les tambours de la garde nationale battaient le rappel. Avant d’arriver au faubourg Poissonnière, j’appris, par des citoyens auxquels je reprochais de ne pas prendre l’uniforme de la garde nationale, qu’un bruit généralement répandu excitait au plus haut degré l’animation de la population tout entière.

Le malheureux événement du boulevard des Capucines était représenté comme un acte prémédité par les ministres maintenus pour intimider la population. On disait que le gouvernement avait trompé la bonne foi du peuple en faisant annoncer, la veille, un changement de ministère. Les officiers de la garde nationale qui me rejoignirent partageaient cette erreur, protestaient avec énergie, et déclaraient avec douleur que la garde nationale était préparée à combattre pour obtenir justice d’une pareille perfidie. Ils n’acceptaient qu’avec défiance mes affirmations contraires, et cependant ils ajoutaient : S’il était vrai que le ministère fût changé, le calme serait bientôt rétabli.

En présence de cette situation imprévue, fallait-il marcher quand même, repousser les gardes nationaux, ne tenir aucun compte de leur erreur, et, par une attaque continuée de la troupe, donner confirmation au mensonge que les partisans de l’émeute avaient habilement répandu ?