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Thessalie des mesures sages et promptes ont tout prévenu. Il est heureux que la Grèce, renfermée dans l’esprit des traités qui règlent ses frontières, assiste paisiblement et sans préoccupations trop vives au spectacle des guerres de races qui remuent le sol de l’autre côté des Balkans. Ajoutons que, si le nouveau ministre britannique à Athènes, M. Wyse, consent à ne pas ranimer ces violentes querelles de parti et de cabinet qui ont si tristement divisé la Turquie et la Grèce durant la mission de sir Edmond Lyons, les rapports de ces deux états ne cesseront pas d’être pacifiques. À toutes les époques, la France a pris ce principe pour règle de sa conduite, et nous connaissons assez l’habile réserve, l’esprit conciliant de son ministre à Athènes, M. Thouvenel, pour être certains que les difficultés ne viendront pas de lui.

Il y a, dans le nord de l’Europe, un petit état qui tient sur la Baltique une position fort analogue à celle de Constantinople sur le Bosphore, c’est le Danemark. Son existence a été gravement menacée depuis un an, et nous n’avons point suivi sans sympathie les vicissitudes qu’il a traversées avec tant de persévérance politique. En dépit de l’infériorité de ses forces en présence d’un adversaire tel que la confédération germanique, le Danemark envahi n’avait rien voulu céder qui parût un sacrifice de son droit. Il sentait bien que son droit était son existence même. La guerre était nationale, et toutes les classes de la population s’y prêtaient avec un égal dévouement. Les Danois étaient isolés, et ils allaient peut-être se voir réduits à réclamer le concours effectif de la Russie. D’heureuses combinaisons militaires, une stratégie savante couronnée d’un succès brillant, viennent de les tirer de ce mauvais pas.

L’armée allemande avait, dès l’ouverture des hostilités, envahi le Jutland ; cette province est le dernier retranchement du Danemark sur le continent. Le corps placé sous les ordres du général Bonin assiégeait la forteresse de Frédéricia, tandis qu’un autre corps, sous le commandement du général Prittwitz, s’avançait plus au nord vers Aarhus. Le Jutland est, comme on sait, flanqué à l’est de plusieurs îles, dont la principale est la Fionie. La forteresse de Frédéricia est située précisément en face de la pointe septentrionale de la Fionie dont elle est séparée que par un étroit canal. Si le général Rye, trompant la surveillance de Prittwitz, parvenait à lui échapper par Aarhus pour se porter en quelques heures, par mer, en Fionie, à la condition d’une grande prudence, il franchissait le canal sans être aperçu de Bonin et s’introduisait dans la forteresse de Frédéricia, d’où il était en mesure d’opérer par surprise contre les assiégeans. Cest le plan qui a été suivi de point en point. La lutte a commencé à une heure du matin : à quatre heures, toutes les batteries de siége étaient tombées aux mains des Danois, à midi les troupes de Schleswig-Holstein perdaient également leur artillerie de campagne ; trois heures plus tard, les Allemands, culbutés et coupés en deux, étaient rejetés, les uns au nord de Frédéricia sur Veile, les autres au midi sur Kolding.

Il serait difficile d’imaginer une déroute plus soudaine et plus complète que celle de l’armée allemande devant Frédéricia. Les pertes en soldats et en officiers ont été grandes des deux côtés. Les insurgés du Schleswig-Holstein ont principalement souffert ; la nouvelle de leur désastre a jeté la consternation dans les duchés. Le Danemark aura aussi son deuil : un grand nombre d’officiers sont morts en conduisant l’attaque. Le héros de la campagne et de la