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tisfaire aux besoins et aux vœux légitimes du pays sans sortir de la constitution, pourquoi voudrions-nous mettre à la loterie des révolutions, n’ayant qu’à perdre et n’ayant point à y gagner ? Les coups d’état qui sont une nécessité réussissent quelquefois ; les coups d’état qui sont une fantaisie et une fatuité échouent toujours.

Nous ne voulons aujourd’hui qu’esquisser rapidement la situation des affaires étrangères. Nous y reviendrons à notre aise pendant les loisirs que nous fera la prorogation de l’assemblée.

Le 13 janvier 1848, M. Cousin disait à la tribune de la chambre des pairs : « Le saint-siège et le Piémont sont les deux puissances qui, par leur caractère propre et par leur situation, sont appelés à être les deux grands instrumens de la régénération italienne. Le pape en est l’ame, le Piémont en est le bras. » Nous ne savons pas si ce beau mot de régénération italienne, qui a été le rêve de toutes les imaginations généreuses en Europe est encore de mise aujourd’hui. Nous ne renonçons point cependant à l’espoir qu’après l’entr’acte démagogique qui a tout troublé, le libéralisme reprendra en Italie le rang et la place qui lui appartiennent. Or, c’est à Rome et à Turin que nous voyons une place honnête et possible pour le libéralisme. À Rome, nous suivrons les complications qu’amènera le rétablissement de la papauté. À Turin, si la paix est faite, les complications seront de deux natures différentes : complications dans le parlement élu sous l’influence démagogique, et qui, s’il répond à son origine, s’il ne s’inspire pas de l’amour de la patrie, rendra la monarchie constitutionnelle impossible en Italie : c’est la conclusion à laquelle la démagogie semble toujours vouloir aboutir, et l’Autriche en profite ; complications aussi du côté de l’Autriche, qui, à chaque difficulté parlementaire, poussera le Piémont à la briser par un coup d’état plutôt qu’à la vaincre par la discussion. En Allemagne, Rastadt est prise. La démagogie a perdu son champ d’asile ; mais là non plus le dénouement des opérations militaires ne finit rien. La question de la constitution germanique va recommencer. La démagogie est hors de cause, le terrain est débarrassé de cette pierre fatale d’achoppement ; mais l’unité allemande, mais l’attitude réciproque de la Prusse et de l’Autriche, ce sont là des questions qui ne sont pas vidées ni près de l’être. En Suisse enfin, à nos portes, une question commence, celle des réfugiés. Il ne faut pas que la démagogie trouve en Suisse une dernière forteresse, ou plutôt, si c’est de là qu’elle est sortie pour se répandre sur l’Europe, c’est là aussi quelle doit aller expirer, et là comme ailleurs, par les mains de la liberté modérée. Nous avons confiance, sur ce point, dans le bon sens des cantons suisses.

Telles sont les questions où la diplomatie française doit faire sentir son influence, et où nous aimerions à noter ses pas.


— Les opérations de la guerre de Hongrie avancent, bien qu’avec lenteur. Les Magyars, réduits à l’alternative de périr combattans ou captifs, préfèrent la mort du champ de bataille à celle des conseils de guerre. M. Kossuth, dont la puissance touche à son terme, a poussé le dernier cri d’alarme ; il a décrété les mesures du désespoir, la levée en masse, la guerre sainte. Tout ce que son éloquence asiatique possède de ressources, il l’a déployé ; tout ce qu’il a de lyrisme dans son caractère, il l’a mis en jeu avec succès pour entraîner