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LE ROMAN ANGLAIS CONTEMPORAIN.

la statistique chiffrée des bonne œuvres fondées récemment pour venir au secours des gouvernantes. Du reste, le Quarterly n’a pas tort. Qu’est-ce que la révolution ? C’est la révolte contre l’inégalité. Donc il n’y a pas en Angleterre de classe qui soit dans une situation plus révolutionnaire que celle des gouvernantes, car il n’y en a point qui ressente de plus près les blessures de l’inégalité. Ces jeunes filles et ces femmes que le besoin oblige à se consacrer à l’éducation au sein des familles patriciennes et opulentes, touchent à la domesticité par la dépendance de leurs services, à la condition supérieure par leur naissance et leur culture intellectuelle. Déclassées entre les maîtres et les serviteurs, parties de la pauvreté, elles ne côtoient les richesses et les délices du monde que pour retrouver à l’autre bout de leur vie, avec un sentiment plus amer, la plus stricte médiocrité, souvent même un dénûment absolu. Que faire ? L’auteur d’Angela ne songe pas à nous le dire. Il ne peint pas le sort des institutrices réformer l’état, Il n’a cherché dans une des mille faces de la souffrance humaine qu’un élément d’émotion et de sympathie. Il a bien fait. Le devoir moral et social de l’artiste ne va pas plus loin.

Je ne retracerai pas les peines d’Angela. Elle entre d’abord chez une famille de parvenus, chez Mme Usherwood, dont le mari, qui a fait fortune est devenu membre du parlement. Les Usherwood habitent une somptueuse maison dans l’un des plus beaux quartiers de Londres, à Lowndes-Square, entre Belgrave-Square et cette porte de Hyde-Park, où est la résidence du roi des parvenus contemporains roi découronné en ce moment comme bien d’autres, M. Hudson. La pauvre Angela est opprimée par ces grossiers personnages. Heureusement elle gagne, chez eux, la sympathie d’une femme riche et influente, miss Joan Grant, dont la vie, troublée autrefois par une passion malheureuse, est entièrement consacrée au patronage des bonnes œuvres. C’est une création heureuse que cette Joan Grant, fervente chrétienne, quoique vivant au sein du monde, figure sereine et consolatrice, qui répand autour d’elle les conseils et les secours ; Joan Grant fit sortir Angela de la maison des Usherwood, et la donna comme compagne et amie, bien plus que comme gouvernante à une riche héritière, Augusta Darby. Cette rencontre devait décider de la vie d’Angela.

La famille Darby était, en effet, alliée à la famille Missenden. Angusta était la cousine de Vavasour. Il y a plus : dans la tête des parens, le mariage de Vavasour et d’Augusta était arrêté depuis leur enfance, et Augusta, élevée dans cette pensée, aimait Vavasour. C’était une jeune fille brillante, vive, impétueuse, résolue, un peu romanesque. Elle avait été lancée de bonne heure dans le plus épais du tourbillon mondain ; elle s’y plaisait comme dans son élément. Elle rayonnait et triomphait dans l’éclat et le bruit des fêtes élégantes ; elle aimait enfin ce