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Ainsi, dégrèvement pour les contribuables et le trésor d’une part, accroissement constant de revenu pour les contribuables et le trésor d’autre part, tel sera le premier résultat de la réforme des tarifs. L’Espagne se débattait, depuis plus d’un demi-siècle, dans un effrayant dilemme financier : la gêne de l’état, conséquence naturelle de l’appauvrissement du pays, se traduisait par des augmentations d’impôt qui ne faisaient qu’accélérer cet appauvrissement. Au lieu de s’annihiler l’une l’autre, ces deux forces vont désormais se prêter un mutuel appui. Les charges du trésor diminuant et ses recettes s’accroissant, le crédit de l’état s’améliorera dans la même proportion, et la hausse des fonds publics, c’est l’abaissement de l’intérêt de l’argent, la facilité des emprunts agricoles et industriels, l’accroissement de la production et de la consommation qui réagit à son tour sur la situation du trésor, premier mobile de ce progrès. N’est-ce pas ce rigoureux enchaînement d’effets et de causes qui, sous le dernier régime, fit s’accroître la fortune publique et privée de la France d’à peu près 50 pour cent[1] ? L’Espagne ne peut pas espérer moins, car elle est bien plus éloignée de son maximum normal de bien-être que la France de la restauration, et il lui reste un bien plus grand nombre de forces productives à utiliser.

Au point de vue politique et moral les résultats ne seront pas moins importans.

Depuis cinquante ans que les finances espagnoles sont en désarroi, les divers gouvernemens ont dû recourir à des expédiens de crédit si nombreux, que des millions de familles sont aujourd’hui créancières du trésor. Trop dépréciées pour créer un lien pécuniaire entre les détenteurs et l’état, ces créances ne servaient qu’à maintenir de perpétuelles causes d’aigreur contre le gouvernement, en qui tous les mécontentemens personnifient volontiers l’état. Si les finances se relèvent, les valeurs dont il s’agit reprendront une consistance graduelle, rattacheront à la cause de l’ordre d’innombrables intérêts, et l’exagération même de la dette sera devenue un gage de sécurité intérieure. Ce n’est pas tout. Par suite d’un népotisme invétéré, qui faisait jusqu’ici considérer les emplois comme un patrimoine de famille la concussion était devenue, dans les rangs inférieurs de certaines administrations l’état normal. Le mauvais état des finances ajoutait à cette démoralisation. Mal payés, avant à réclamer des arriérés considérables, les employés trouvaient tout naturel et tout simple de prélever au passage sur les recettes du trésor une partie de ce que le trésor leur devait, et,

  1. C’est dans cette proportion que s’était accru le budget des recettes, bien qu’aucune aggravation d’impôt ne fût venue l’influencer. Je demande grace, en passant, pour quelques lieux communs. Nous avons fait tant de chemin depuis dix-huit mois, que les banalités économiques de la veille sont presque les hardiesses du lendemain.