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Ainsi, la propagande démocratique et sociale, à quelque date qu’on la rattache, sous quelque aspect qu’on l’étudie, est un non-sens en Espagne. Les passions de 93, les folies de 1848 ne répondent à rien ni dans les sentimens, ni dans les mœurs, ni dans les intérêts du pays. Faut-il s’étonner, du ridicule fiasco de cette propagande ? Accueillie avec un parfait dédain en Navarre, en Aragon, à Madrid, en Andalousie, elle n’a guère recruté pour partisans que quelques trabucayres de Catalogne, politiques fort accommodans de leur nature et qui avaient une trop longue pratique du socialisme pour s’effaroucher de la théorie.

Avec des antécédens bien autrement sérieux, la faction des exaltés proprement dits, celle qui visait à ressusciter le mot d’ordre insurrectionnel de 1836 et de 1840, et qui s’intitulait dans ses manifestes l’armée libérale ; n’a pas mieux réussi. C’était inévitable : cette faction n’avait plus ni chefs, ni soldats.

L’état de siége est venu paralyser à temps le groupe parlementaire qui, dans les insurrections précédentes, lui avait servi de levier et de prête-nom, et la révoltante franchise de lord Palmerston, je l’ai dit un autre jour, n’y a pas moins contribué que l’état de siége. Le mot de patrie n’est pas encore un mot usé dans la Péninsule. L’opposition espagnole ne s’est pas encore élevée à la hauteur de ces abstractions humanitaires qui bourraient hier de manifestes français les fusils de chargé à Rome sur les soldats français et qui appelleraient demain les Cosaques, si S. M. Nicolas Ier consentait à devenir socialiste. Beaucoup de notabilités progressistes qui, à d’autres époques, avaient accepté le concours de l’Angleterre, ont plus ou moins ouvertement renié cette fois une cause devenue exclusivement anglaise. Le duc de la Victoire et M. Olozaga entre autres, sollicités à Londres de prêter leur influence à l’intrigue carlo-exaltée, ont répondu, dit-on, par le plus énergique refus. Cette intrigue n’a rencontré dans l’opposition parlementaire que deux adhérens, M. Salamanca, dont l’éclectisme agioteur est au-dessus de certains scrupules, et M. Escosura, sorte de fantaisiste politique que tous les drapeaux connaissent, que tous les extrêmes attirent, et que devait doublement séduire l’amalgame de ces deux extrêmes : légitimisme et démagogie.

Avec son point d’appui parlementaire, la faction exaltée avait perdu la majeure partie de son personnel d’insurrection. On ne saurait trop le répéter, quel était l’élément militant dans les mouvemens soi-disant progressistes de 1836 et de 1840 ? L’élément contrebandier, appuyé et soudoyé par l’Angleterre. La diplomatie britannique poursuivait vivement à ces deux époques la conclusion d’un traité de commerce qui eut fait de l’Espagne une province anglaise. Le gouvernement espagnol voulait de son côté la réforme douanière, mais une réforme vivifiante