Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
470
REVUE DES DEUX MONDES.

remplir d’une invincible espérance. Après bien des efforts et bien des combats, dans un lambeau de la patrie déchirée nous nous sommes fait une nouvelle patrie. Une république chrétienne s’est échappée, sanglante, mais pure et pleine de vie, des serres de la république sociale. Tout ce que la folie furieuse de nos anciens concitoyens veut abattre et anéantir se relève et prospère parmi nous. Le peuple qui nous a donné sa confiance n’avait jamais outragé les autels du Christ ; béni dès ce monde, il a été choisi pour les défendre. Plus sage que tant de faux sages qui se sont perdus eux-mêmes après avoir abusé les multitudes, ce généreux peuple a discerné la pierre angulaire de l’édifice social. Il a posé la famille, la propriété, l’ordre et la paix sur le seul fondement qui les puisse porter ; il a voulu et su n’être libre que sous la loi du devoir. Grâce à son courage, nous avons bâti pendant que la terre tremblait. Nous avons donné sur la terre un asile à Dieu, insolemment et follement chassé de partout ; nous lui avons rendu un royaume parmi les hommes. Il y règne, maître de toutes les volontés, appui de tous les courages, espoir et consolation de tous les cœurs. Vous savez quelles bénédictions nous ont récompensés, quels prodiges nous ont soutenus, quels miracles nous ont sauvés. Tous nous sentons cette vertu secrète qui sort de la tombe de nos martyrs, et qui nous anime à suivre leur exemple ; mais, comme nous devenons plus forts après qu’ils ont péri, ne semble-t-il pas que leur sang enrichit le sol en même temps qu’il crie pour nous vers le ciel ? En vain le père meurt et le fils est au combat : la charrue, guidée par la débile main des enfans et des femmes, n’en creuse pas un sillon moins fécond, et le citoyen revenu de la guerre trouve son champ couvert d’une moisson qu’il n’a pas semée. Nous avons pu, presque sans argent et sans impôts, soutenir une lutte gigantesque ; l’instruction est distribuée partout, jusque dans nos camps ; les malades sont soignés partout, les pauvres assistés partout, et nous n’avons ni budget de l’instruction publique, ni budget des pauvres. Pour subvenir à de si grands besoins et à de si pressans devoirs, il nous a suffi d’accueillir les prêtres, les saintes femmes que la république sociale n’a pu égorger. Cette armée de serviteurs et d’esclaves volontaires du pauvre s’est mise à l’œuvre avec tout le zèle de la charité. Elle a prié et travaillé pendant que nous combattions ; elle a élevé l’esprit public à un degré de vertu et de foi que nous-mêmes n’espérions pas.

Cet esprit est notre salut ; il sera le salut de l’humanité. C’est pour l’avoir étouffé que les sociétés succombent ; elles ne se relèveront comme nous et ne renaîtront qu’avec lui. Lui seul, nous le voyons, inspire et soutient les dévouemens sans nombre que nécessitent les misères inhérentes à la condition humaine ; lui seul, en donnant satisfaction et soulagement à ces misères, contient, apaise, supprime dans la foule des petits et des derniers d’ici-bas les révoltes formidables de l’orgueil, de l’envie, du désespoir. En lui sont vraiment la liberté, l’égalité et la fraternité. Par lui, nous avons pu réaliser bien au-delà tout ce que le socialisme prétendait faire. Le socialisme annonçait une création nouvelle, et il expire en enfantant le néant. Nous avons humblement invoqué l’esprit de foi, et l’immuable vérité se manifeste, nouvelle et toujours la même, par une résurrection. Nous devons au peuple, nous devons à la patrie, à l’humanité et à nos ames de ne point laisser la flamme du christianisme s’éteindre ou s’affaiblir parmi nous. Cette considération qui inspire tous nos règlemens