ne serons pas jugés par des docteurs en droit. Oublie ta science, souviens-toi que tu es consul et que tu portes une épée.
Tu as raison. Ce sont des bêtes enragées. Ils nous tueront sans aucune des formes protectrices de la justice. Il faut fuir.
N’as-tu donc absolument aucun moyen de défense ?
Si fait ! grâce à Dieu. Viens avec moi ; j’ai des déguisemens tout préparés, et je connais une issue secrète pour sortir d’ici.
Voyons, voyons, tu n’as pas si peu de courage ! Avant de fuir, il faut voir si on ne peut pas résister.
Je suis perdu. Ils conspirent, et le peuple m’abandonnera. Ils m’ont fait consul pour user ma popularité et mieux combiner leurs coups. À présent, la garde nationale est désarmée ; le peuple, mitraillé par eux en mon nom, me hait. Infâme peuple ! J’ai été son idole, il va me traîner aux gémonies. Nous sommes sous la griffe et dans la gueule des tigres.
À qui la faute ? (Entre le secrétaire.)
Ah ! te voilà. Eh bien ! que sais-tu ?
Je sais qu’une conspiration des ministres va éclater pour porter le Vengeur à la dictature, et qu’il faut gagner au plus tôt les quartiers commerçans. Le Vengeur a fait fusiller tantôt plusieurs chefs de maison chez lesquels on a trouvé des armes ; il en est résulté une certaine émotion. On s’attroupe, on se barricade contre la force ouvrière. Ta présence au milieu des bourgeois insurgés doublera leur courage. Ils croiront avoir la légalité pour eux.
Ils l’auraient en effet… Allons… mais nous n’arriverons jamais jusque-là.
Essaie toujours.
Je suis accablé de fatigue, je suis malade.
Le lâche !
Ne m’insulte pas, mon pauvre ami. Veux-tu te brouiller avec moi au moment de mourir ?
Comment, malheureux ! tu as fait tout ce que nous t’avons vu faire ; tu as soufflé partout les émeutes, les révolutions ; tu as déclaré la guerre au monde, et tu l’as allumée dans ton pays ; tu as renversé les lois, détruit les fortunes,