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REVUE DES DEUX MONDES.

LE CONSUL, à part.

Il a vraiment du talent cet animal-là ! (Haut.) Les paroles éloquentes que je viens d’entendre ont produit sur mon esprit une impression que je ne dissimulerai pas. Néanmoins mon opinion n’est pas entièrement formée. Le ministre du commerce me présentera sans délai un rapport détaillé sur cette affaire.

LE MINISTRE DE l’INSTRUCTION PUBLIQUE, à part.

Il file !

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, à part.

Le lâche !

LE MINISTRE DES FINANCES.

Nulle recette, rien en caisse, des dettes partout, voilà le bilan des finances. Je demande qu’on adopte au plus vite le projet d’exportation proposé par le ministre du commerce. Il me permettra d’assurer pendant quelques jours au moins le service de la police et de poursuivre certaines réquisitions importantes. Nous sommes en pourparler avec divers spéculateurs étrangers pour la vente des musées, des collections et des bibliothèques. Concluons : faisons argent des ces objets inutiles.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Ils sont inutiles, mais ils sont beaux ; le peuple regrettera de les perdre.

LE MINISTRE DES FINANCES.

Le peuple s’en moque bien ! Il préfère l’ombre du houblon à l’ombre des chênes, et une gaudriole lithographiée à toutes les toiles de Raphaël.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Il faudrait s’attacher à former son goût.

LE MINISTRE DES FINANCES.

Il demande qu’on s’attache à lui donner du pain.

LE CONSUL, au ministre des finances.

Continue.

LE MINISTRE DES FINANCES.

Je n’ai plus rien à dire. L’état n’a eu besoin que d’un décret pour payer toutes ses dettes antérieures à la révolution ; il a fait, depuis, un peu d’argent et beaucoup de dettes nouvelles, grâce aux moyens que vous connaissez ; maintenant, il ne peut plus faire ni argent ni dettes que par des coups du hasard. La planche aux bons d’état ne produit qu’un papier sans aucune valeur ; les propriétés nationales ne rapportent rien. On ne les achète pas, ou on ne les paie pas, ou ceux qui s’en emparent ne les cultivent pas. Le numéraire a disparu totalement, la famine nous menace. Il n’y a pas de combinaison, pas de force qui n’échoue contre la force inerte du fait. Le ministre des finances doit être aujourd’hui ministre de la guerre et ministre de l’intérieur.

LE CONSUL.

N’as-tu rien à proposer ?

LE MINISTRE DES FINANCES.

Rien d’efficace et que j’espère accomplir, surtout étant servi comme je le suis.

LE CONSUL.

Tu as cependant régénéré ton administration ?

LE MINISTRE DES FINANCES.

Que trop ! On m’a fait placer des milliers d’anciens prisonniers pour dettes,