Vous croyez qu’il vous fera payer ?
Peu… Ah ! elles nous coûtent, les révolutions ! Tel que vous me voyez, j’étais pourtant des plus chauds à crier : Vive la réforme !… Fichue bête !… Quand donc aurons-nous un bon maître qui pende tout, et fasse revivre le commerce ?
Prenez patience ; ce que nous voyons ne peut durer. La grande terreur de 93 n’a été qu’une affaire de dix-huit mois.
Merci ! En dix-huit mois, on a le temps de mourir plus de trente-six fois, quand ce ne serait que de faim. Comment vivez-vous donc, vous ?
J’étais rentier. Flairant les sinistres, j’ai mis mon capital en sûreté aux États-Unis. Dès-lors, ne craignant plus pour personne, je me divertis assez. Vous imaginez que, quand la pièce sera finie, je serai content de l’avoir vue. J’en aurai de bonnes à conter en faisant ma partie de dominos. Je viens ici par curiosité. Il s’y passe de drôles de scènes, allez !
Je présume que vous n’êtes pas marié.
Seul comme une truffe !… et bien content, je vous en réponds. Le bruit court que les gouvernans vont abolir le mariage. Je ne les approuve pas. Cependant il est de fait qu’ils éviteront par là bien de la peine à bien du monde.
C’est vrai. Ils ont des idées qui ne seraient pas mauvaises.
Des idées vraiment philosophiques, monsieur !
Oui, monsieur. Malheureusement ils appliquent cela d’une façon trop brutale. Par exemple, je ne leur en voudrais pas de l’extinction de la noblesse et de la grande propriété ; mais tuer à tort et à travers comme ils font, humilier les gens paisibles, ruiner le commerce, voila ce que j’appelle de la tyrannie.
Chut ! Ah ! la porte s*ouvre. Les audiences vont commencer. Vous aurez le plaisir d’expliquer votre affaire à Galuchet devant la belle Libéria.
Comment ! elle est présente lorsqu’il reçoit ? C’est indécent.
Pour ce qui est des convenances, il s’en prive. Tiens, le voici.
Citoyens, salut et fraternité. Vous êtes bien aimables de venir me voir, mais je vous entendrai plus tard. Pour aujourd’hui, j’ai d’autres chiens à peigner. Les affaires de l’état m’accablent. Ainsi prenez vos cannes et vos chapeaux, et