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de l’assemblée nationale sortirait sain et sauf de ces laborieuses entreprises. Pour obéir au vote du 14 novembre qui lui dictait une politique de conciliation entre l’assemblée prussienne et la couronne, le ministère de l’empire avait envoyé M. de Gagern à Berlin, et, avant même que le gouvernement de l’archiduc Jean eut reçu l’étrange mission de juger les juges de Robert Blum, dès le commencement de l’insurrection viennoise, M. Welcker était parti pour Ollmütz, chargé de faire prévaloir l’esprit de prudence et de paix sur les conseils de la vengeance. M. Welcker n’avait pas réussi, puisque Robert Blum avait été fusillé. On ne saurait dire si M. de Gagern fut plus heureux : la situation de Berlin s’améliora bientôt ; mais il est évident que ce résultat était dû bien plus aux caprices de Frédéric-Guillaume qu’à l’influence de l’envoyé de Francfort. Quelques jours en effet après le retour de M. de Gagern, on apprit que l’assemblée prussienne était dissoute, et que Frédéric-Guillaume avait octroyé à ses sujets une constitution. L’assemblée avait été long-temps opprimée par les clubs, une minorité factieuse entravait ses efforts, et le travail de la constitution avançait avec une lenteur désespérante : Frédéric-Guillaume saisit cette occasion et, avec cette intrépidité fantasque qui fait le fonds de son caractère, il venait de donner à la Prusse la constitution la plus libérale de I’Europe (5 décembre 1848). Heureux de pouvoir octroyer une charte à ses sujets et de se dire solennellement roi par la grace de Dieu, ce grand défenseur des idées féodales faisait enfin toutes les sérieuses et légitimes concessions que tant d’hommes éminens, depuis M Hansemann jusqu’à M. de Vincke, lui avaient demandées vainement à la diète de 1847. Quant aux affaires générales de l’Allemagne, quant à la question de l’empire et au démembrement de l’Autriche, il était difficile de pressentir l’opinion du roi de Prusse. Frédéric-Guillaume devait convoiter la couronne impériale ; la Prusse croit fermement à sa mission, elle se vante d’être appelée à reconstituer l’Allemagne et sa politique hardie en maintes circonstances semble justifier cette foi. Comment accepter pourtant une constitution qui ordonnait ou bien le démembrement ou bien l’exclusion absolue de la monarchie autrichienne ? Comment recevoir l’empire des mains d’un parlement révolutionnaire Et que de difficultés pour obtenir l’assentiment des souverains ! Frédéric-Guillaume ne renonçait pas à son ambition ; il attendait, aussi habile à ne rien promettre qu’à ne point décourager l’assemblée.

La constitution, d’ailleurs, n’était pas votée tout entière au commencement de décembre, et Frédéric-Guillaume ne savait pas encore à quel prix il achèterait l’empire. Il connaissait l’étendue de son pouvoir, les attributions, les droits, les privilèges merveilleux de l’autorité centrale ; tout ce beau chapitre ; si plein de séductions, avait été voté sans opposition sérieuse par une majorité immense ; il restait à