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autres. Le 16 mars a humilié la couronne, chassé M. de Metternich, et substitué à l’ancien régime le système constitutionnel ; deux mois après, la journée du 15 mai a changé la seconde chambre en une assemblée constituante, fait proclamer le suffrage universel, et obligé l’empereur épouvanté à chercher un asile dans son fidèle Tyrol. La révolution du 6 octobre sera pendant quelques jours le triomphe de la démagogie. Le parti républicain, profitant des luttes intérieures de la Hongrie, s’unit aux Magyars contre les Croates ; le départ des régimens autrichiens qui vont fortifier Jellachich est le signal d’une insurrection terrible ; la ville en un instant est toute hérissée de barricades ; le digne ministre de la guerre, le brave comte Latour, qui avait rempli un rôle si honorable dans les guerres patriotiques de l’Allemagne, est égorgé par une populace en furie, et son cadavre, traîné dans la rue, est pendu bientôt à la porte du ministère de l’intérieur, au milieu des hideuses acclamations d’une bande de cannibales. L’insurrection est victorieuse, l’assemblée constituante s’empare du gouvernement sous la présidence de M. Smolka, et un comité de salut public s’organise dans la soirée du 6. Ce n’est pas la république que veut l’assemblée constituante ; les institutions démocratiques dont elle est redevable aux barricades du 15 mai suffisent aux esprits les plus impatiens. Dans toutes les proclamations au peuple, dans toutes les adresses que MM. Pillersdorf et Hornbostl vont porter à l’empereur, l’assemblée défend la monarchie constitutionnelle. « L’Europe entière nous admire, » disait le 7 août une proclamation de M. Smolka, jetant cette grossière flatterie au peuple, afin de mieux l’apaiser ; « demeurons fidèles à nous-mêmes ; restons invinciblement attachés au respect de la loi, à la monarchie constitutionnelle, à l’amour vrai de la liberté ! » Mais quelle garantie présentait ce langage dans une ville livrée aux démagogues ? Pouvait-on espérer le prompt rétablissement de l’ordre, pouvait-on compter sur le jeu régulier des institutions libérales, au moment où le bouleversement de Vienne offrait un théâtre propice à toutes les entreprises de la violence ?

Voilà quels événemens épouvantaient l’Allemagne, lorsque le parlement de Francfort commença ses travaux sur la constitution de l’empire. Cette situation, si mauvaise qu’elle fût à bien des égards, n’était pas aussi défavorable qu’on pourrait le croire ; à l’influence du parlement. Si le roi de Prusse était défiant, si l’empereur d’Autriche était irrité, les excès de Berlin, les révolutions de Vienne, fournissaient au parlement l’occasion d’exercer une salutaire influence morale et d’agrandir son autorité. On le tolérait jusque-là bien plutôt qu’on ne reconnaissait sa mission ; il était heureux que les gouvernemens eussent besoin de son appui. En même temps on pouvait espérer que le sentiment du péril universel modérerait l’ardeur des unitaires, et que la constitution serait plus sage, plus sensée, plus praticable, étant débattue