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L’HISTOIRE DE LA CARICATURE.

la convention nationale décrète qu’elle garantit la fraternité et l’assistance à tous les peuples qui veulent être libres, et elle charge le pouvoir exécutif d’envoyer des ordres aux généraux pour donner cette assistance, et pour défendre les citoyens qui ont souffert et souffrent encore pour la cause de la liberté. » C’était le signal d’une croisade universelle. Le sentiment national se réveilla en Angleterre, et des sociétés contre-révolutionnaires se formèrent sur toute la surface du pays. M. de Chauvelin, qui était resté à Londres, bien qu’il n’y fût plus reconnu comme ambassadeur, reçut l’ordre de quitter le territoire, et la France alla au-devant de la guerre en la déclarant officiellement le 1er février 1793. La caricature se fit naturellement anti-française ; nous en voyons une qui représente Fox et Sheridan avec le bonnet phrygien et sans culottes, enfonçant avec des poignards dans la bouche de John Bull un pain sur lequel est écrit le mot de liberté.

De leur côté, les républicains de France faisaient appel à la démocratie anglaise. Ils n’en voulaient, disaient-ils, qu’au roi, à son ministre et aux aristocrates. Cent mille hommes devaient faire une descente en Angleterre, soulever le peuple, et sur les ruines de la royauté fonder l’alliance des deux nations. On voit que la génération présente n’a rien inventé. Paine venait de publier la seconde partie de ses Droits de l’homme. Son livre était répandu dans le peuple par une propagande active : les colporteurs le disséminaient dans toutes les classes, et en enveloppaient leurs marchandises ; mais la réaction était plus forte, et elle avait avec elle le sentiment national. Les sociétés anti-révolutionnaires se multipliaient ; la plus connue de toutes était alors la Société pour préserver la liberté et la propriété contre les républicains et les niveleurs. Paine avait été dans l’origine fabricant de corsets. Une caricature de Gillray le représente étouffant l’Angleterre (Britannia) dans un corset de sa façon. Du reste, le républicain anglais subit lui-même le sort commun ; jeté en prison, il n’échappa que par hasard à la guillotine, et alla achever ses jours en Amérique. Fox était aussi accablé de caricatures ; il y figurait servant Dumouriez à table, mettant devant lui sur un plat la tête de Pitt, pendant que Sheridan servait la couronne dans un pâté, et Priestley la mitre épiscopale dans une tarte ; le tout rehaussé par des grenouilles qui, comme chacun sait, représentent les Français.

Néanmoins John Bull, qui n’aime jamais à payer, trouvait que la guerre lui coûtait cher. L’infatigable Gillray représentait dans une série de dessins les Suites de la guerre. On voit John Bull assis tranquillement au coin de son feu, au sein de sa famille ; puis il part pour le continent, puis sa famille met tout son mobilier en gage ; puis lui-même revient maigre et mourant de faim. On commençait à redemander la paix ; Gillray, parodiant la procession napolitaine de saint