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de Saint-Cloud et le royal vieillard dont sa mère avait partagé les études et les jeux d’enfance. Et maintenant qu’à l’heure de l’infortune, une princesse de la maison d’Orléans avait besoin du secours de M. de Lamartine, M. de Lamartine oubliait que les princesses de la maison d’Orléans n’avaient cessé d’entourer sa mère de leur souvenir dans l’exil et de leurs bienfaits dans la prospérité ! Ah ! n’était pas assez de tant de faiblesse, d’innocence et de malheur pour toucher l’imagination du poète et le cœur du gentilhomme, au moins cette dernière amertume aurait dû être épargnée aux débris de la maison d’Orléans, et le mot irrévocable qui les bannissait n’aurait pas dû être prononcé par le petit-fils de la sous-gouvernante de Louis-Philippe !

Faudrait-il voir une excuse détournée de cette indifférence dans cette phrase de M. de Lamartine : « Il n’avait jamais oublié ce que sa mère lui avait commandé de souvenirs pieux envers cette race ; mais la famille paternelle de M. de Lamartine était royaliste constitutionnelle, ennemie par conséquent des opinions révolutionnaires et des prétentions usurpatrices, d’une royauté usurpée sur la tête du duc d’Orléans ? » Mais à l’instant même le général Oudinot, connu pour aimer aussi peu que la famille de M. de Lamartine ce que celui-ci appelle des prétentions usurpatrices, venait de donner une chevaleresque leçon aux froides rancunes qui ne se fondaient pas sous l’émotion de cette heure terrible. Il avait, à la tribune, mis tout son dévouement au service de la duchesse d’Orléans. La générosité du soldat avait imposé silence aux préférences de l’homme de parti. Ce n’est pas ainsi que M. de Lamartine se défend de n’avoir pas obéi à ce que j’ai appelé le devoir du cœur. Il fait honneur des sévérités de son ame à la fermeté de sa raison. « Il arracha, dit-il, son cœur de sa poitrine, il le contint sous sa main pour n’écouter que sa raison. » Il prétend que la régence n’eût pas été la paix, mais une trêve courte et agitée ; que la révolution eût été terrible, convulsive, insatiable avec ce faible gouvernement de sentiment et de surprise. Du reste, en agissant ainsi, « il aurait perdu, dit-il, non-seulement la république, mais les victimes mêmes de la catastrophe qu’il aurait dévouées en les couronnant. »

Ah ! que M. de Lamartine retire au moins cette dernière excuse. Qu’il ne dise pas qu’il a voulu sauver d’un destin sanglant la duchesse d’Orléans et son fils, en refusant de les défendre. Il s’agissait bien alors d’un péril lointain, hypothétique, imaginaire ! M. de Lamartine avait sous les yeux le danger présent. Ce n’était pas dans l’avenir qu’il faillait sauver cette femme et ces enfans, c’était à l’instant même. La vie de la duchesse, la vie de ses fils, étaient menacées par la bande hideuse que M. Marrast avait introduite en disant : « Je vais chercher le vrai peuple ! » Elles étaient menacées par ces exécuteurs des journées révolutionnaires,