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solidaire de leur cause chaque député insulté dans l’inviolabilité de son droit légal.

Je suis de ceux qui ont eu le navrant privilège d’assister à ce 10 août de la royauté de 1830, et qui attendaient avec espérance que M. de Lamartine prît la parole. Avec les qualités dont j’avais jusqu’à ce jour aimé l’apparence dans le caractère public de M. de Lamartine, je ne pensais point qu’une occasion plus émouvante et plus glorieuse pût jamais se présenter à lui, et je ne doutais point que son ame et son talent ne fussent à la hauteur de l’héroïsme de cette scène. Je ne connaissais pas alors les engagemens que M. de Lamartine venait de contracter, vis-à-vis de quelques meneurs, républicains, dans un entretien raconté dans l’Histoire de la révolution de 1848 ; j’ajouterai au récit de M. de Lamartine quelques détails, les noms propres, par exemple, négligés dans sa narration ondoyante.

Au début des journées révolutionnaires, un ami de M. Bastide s’était rendu chez M. de Lamartine pour connaître ses dispositions dans ces graves conjonctures. M. de Lamartine parut, dans ces premiers pourparlers, préparé à la révolution, et montra un républicanisme dont l’ancien républicain fut lui-même surpris. Le 24 février, avant l’ouverture de la séance, au moment où l’abdication du roi donnait un degré de plus à franchir à la marée révolutionnaire, MM. Bastide et Hetzel allèrent demander M. de Lamartine à la chambre des députés. Il s’agissait de se concerter sur ce qu’il y avait à faire immédiatement. Tandis que M. de Lamartine conduisait ses compagnons dans un bureau de la chambre, il rencontra M. Marrast du National, et M. Bocage, acteur de l’Odéon. Ces messieurs se joignirent au premier groupe. On entra dans une salle, et la délibération d’où allait sortir l’arrêt de la France commença. M. Marrast prit le premier la parole. Dans le discours que M. de Lamartine a reproduit, M. Marrast, tout en réservant ses principes républicains et ses espérances dans la réalisation future de ses doctrines, laissa ouverte à M. de Lamartine l’alternative de la régence. « Lamartine, je cite l’Histoire de la révolution de 1848, demanda un instant de réflexion pour son esprit une résolution et une responsabilité si terribles. Il posa ses deux coudes sur la table, il cacha son front dans ses mains, il invoqua mentalement les inspirations de celui qui seul ne se trompe pas, il réfléchit presque sans respirer cinq ou six minutes, et enfin, après toutes ces précautions et toutes ces cérémonies de Moïse consultant Dieu sur La montagne, qui durent paraître bien superflues à celui des interlocuteurs qui avait déjà reçu ses confidences républicaines, M. de Lamartine écarta les mains et répondit que son dernier mot était la république. J’examinerai tout à l’heure les motifs dont il appuya sa conclusion.

M. de Lamartine avait donc donné sa parole à MM. Bastide, Hetzel,