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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE

Ou gare Galuchet !
      Larifla.
Galuchet et l’Vengeur
Vous f’ront, ô exploiteurs !
Passer, pour notre bonheur.
Un très mauvais quart d’heure.
      Larifla.

GUYOT.

Bravo ! bravo ! (Bas à Rheto.) Vite à l’Hôtel-de-Ville !

GRIFFAUD, bas à Furon.

Nous n’avons plus rien à faire ici. Vite à la Banque !


VII.
Une rue.
Démophile et Protagoras, déguisés et portant cocarde rouge, marchent l’un vers l’autre avec précaution, sans se voir.
DÉMOPHILE.

Cet emplâtre sur l’œil me déguise, mais il m’aveugle. Je ne sais plus où je suis.

PROTAGORAS.

Sans lunettes, je me crois méconnaissable. Par malheur, je ne distingue rien à dix pas.

DÉMOPHILE.

Le moindre bruit m’épouvante, et je tremble encore si je n’entends aucun bruit. Les orages de la tribune ne sont rien, comparés à ce silence de la ville terrifiée.

PROTAGORAS.

Qu’est-ce que le talent ? Qu’est-ce que le génie ? Qu’est-ce que l’homme ? J’ai pu délivrer la conscience de l’oppression de Dieu, mais, si un goujat voulait prendre ma bourse et ma vie, qui me délivrerait du goujat ? Les jésuites ne laisseraient pas d’avoir quelques bons argumens à me pousser en ce moment-ci.

DÉMOPHILE.

Je suis tellement ému, que je vois marcher les bornes… Vingt fois en un quart d’heure j’ai cru reconnaître le pas des patrouilles, et mon sang s’est figé. Ces secousses me tueront. Je me croyais plus hardi ; mais je n’ai que le courage civil, décidément.

PROTAGORAS.

J’avoue que je crève de peur. Il y a décidément des circonstances où la brute l’emporte. À ma place, un sous-lieutenant serait tranquille.

DÉMOPHILE.

Je ne puis pas cependant rester ici. Marchons.