Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
REVUE DES DEUX MONDES.

GUYOT.

Si on le tue, c’est un malheur, ne t’en mêle pas. Retourne à la barricade.

RHETO.

Mais je l’ai connu autrefois… (Élevant la voix :) Mes amis…

GUYOT, bas avec énergie.

Malheureux, tais-toi !

REQUIN.

Oui, citoyens, ce vieux scélérat donnait à tous les propriétaires du quartier le conseil d’empoisonner leur vin et d’en faire boire au peuple… Plusieurs d’entre vous sont peut-être empoisonné…

PLUSIEURS INSURGÉS.

Jugeons-le, vengeons-nous ; à mort l’aristocrate !

SIMPLET.

Monstre ! (Il met M. de Lavaur en joue.)

RHETO, pâle et terrifié.

Vous tirerez d’abord sur moi… Mes amis… peuple généreux… grand peuple… émanation de la divinité… le monde a les yeux sur nous… Écoutez la voix de la raison.

SIMPLET.

Ah oui ! tu veux que le peuple entende raison… connu ! Oblique à gauche, ou je te crache du plomb.

RHETO.

Citoyens, un seul mot, écoutez-moi…

GRIFFARD prend Rheto au collet, le secoue vivement et l’écarte avec mépris.

Assez de blagues ! Ceux qui s’opposent à la justice du peuple sont des traîtres. Si tu dis une parole de plus, je te fais arrêter et juger aussi.

GUYOT, à Rheto.

Commandant, nous ne sommes pas en force ici ; laissons faire. Allons, viens. C’est un malheur, mais ça aura son avantage. (Il l’entraîne.)

HURON, dans la foule.

Feu !

(Plusieurs coups de fusil partent à la fois. M. et Mme de Lavaur tombent. Rheto se retourne, jette un cri et se sauve. Au même moment, une vive fusillade éclate dans la rue. On entend crier aux armes. La plupart des insurgés se retirent en courant.)
GRIFFARD.

Tiens, on a tué aussi la vieille.

HURON, ouvrant le secrétaire.

Vois donc, Requin, ils doivent avoir des montres.

REQUIN, dépouillant les cadavres.

Et une belle chaîne. Dis donc, Griffard, le vieux parle encore.

GRIFFARD.

Que dit-il ?

LE COMTE.

Mon Dieu, je remets mon ame entre vos mains. (Il meurt.)