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Hermanstadt et Cronstadt. Cette dernière ville, placée sur la lisière du territoire székler, était insultée chaque jour. Les Russes furent reçus en libérateurs. Quelques avantages partiels qu’ils remportèrent les premiers jours sur l’avant-garde de Bem ajoutèrent à la reconnaissance des Saxo-Valaques et au sentiment de sécurité qui renaissait après de si terribles alarmes.

Cependant, à Ollmütz, le gouvernement autrichien s’inquiétait de l’intervention russe et de la manière dont elle s’était accomplie en dehors de son initiative. Il avait repris l’offensive sur toute la ligne du Danube. Cette intervention étrangère ne blesserait-elle pas la juste liberté d’une armée aussi brave que fidèle ? Le pis-aller, si le général Puchner était battu, n’était-il pas d’avoir à reprendre Hermanstadt et le pays saxon ; comme le reste de la Hongrie ? On accusait les Roumains d’avoir cédé à leur sympathie pour leurs coreligionnaires russes ; c’était sur le Danube et non sur la Marosh que les destinées de la grande révolte magyare devaient s’accomplir. Un courrier fut envoyé, dit-on, au commandant autrichien pour lui défendre de demander le secours. Il arriva trop tard. Un second courrier fut expédié pour presser l’évacuation.

Les événemens se chargèrent trop bien d’accomplir les vœux du gouvernement autrichien. Au moment de l’entrée des Russes, Bem avait regagné les montagnes des Széklers. On avait exagéré d’abord le nombre des troupes que le général Luder avait pu détacher du corps d’occupation des principautés. Instruit bientôt de la vérité, le hardi partisan n’hésita pas à revenir sur ses pas et à prendre l’offensive. Il n’entrait ni dans ses habitudes, ni dans ses passions, de faire retraite devant les Russes. C’était bien les Russes qu’il cherchait, c’était bien à eux qu’il était venu faire la guerre en Hongrie.

Un combat général s’engagea en avant d’Hermanstadt entre les troupes russes et le corps du général Bem. On dit (il a toujours de l’obscurité dans le récit des batailles perdues), on dit que le général Engelhardt et le général Puchner a aient concerté leurs mouvemens. Les Russes faisaient face à l’ennemi ; le corps autrichien, qui avait repris la campagne, devait, par une marche dérobée, tomber sur les derrières des Hongrois, qui se seraient ainsi trouvés pris entre deux feux. Les Magyars attaquèrent avec furie ; les Russes soutinrent fermement le choc, n’avançant point, mais sans reculer, et attendant la diversion convenue. Le général autrichien, trompé par des guides, n’arrivait point ; les munitions des Russes commençaient à s’épuiser : ils se retirèrent en bon ordre sur Hermanstadt[1]. Le général Bem, qui s’était multiplié dans le combat, satisfait de rester maître du champ

  1. Puchner ne parut qu’après l’entrée de Bem à Hermansdadt. Il opéra sa retraite à travers le pays des Széklers, en Moldavie. Arrivé là avec un petit nombre d’hommes, il dut déposer le commandement entre les mains du colonel Urban.