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répondit l’un d’eux, mais nous rendons grace Dieu qu’il y ait aujourd’hui sur la terre dix-sept Valaques de moins qu’hier ! »

Le 21 janvier 1849, le général Bem parut devant Hermanstadt. La ville est entourée d’une enceinte de murailles élevées qui ont suffi plus d’une fois à rompre l’effort des Turcs, des Tartares ou des impériaux. Depuis plus d’un siècle, on négligeait ces remparts que la paix avait rendus inutiles. Bem n’avait avec lui que des troupes légères ; il manquait de tout ce qui eût été nécessaire à un investissement régulier. Ses troupes se présentèrent successivement aux diverses portes, essayant de les enfoncer avec quelques canons de campagne. Les troupes autrichiennes, secondées par la milice saxonne, soutinrent bien ce premier choc. Bem se retira sur les hauteurs qui couronnent la plaine pour attendre le gros de ses troupes et de l’artillerie. Cependant les Saxons s’étaient alarmés de leur isolement et du petit nombre des troupes impériales, bien avant l’attaque de Bem. Ils s’étaient adressés au commandant-général des troupes russes dans les principautés danubiennes, le général Luder, pour lui demander secours et protection ; ils lui avaient représenté que leur pays se trouvait dans la situation d’une ville assiégée ; toute communication étant rompue entre eux et le gouvernement autrichien, abandonnés à eux-mêmes, ils devaient seuls pourvoir à leur sûreté. En présence du massacre de leurs compatriotes et du pillage de leurs villes, ils imploraient la générosité de leurs voisins, comme on crie au secours quand l’incendie s’allume et embrase une maison. Ils sollicitaient une intervention purement locale.

Cette demande, et les motifs sur lesquels on s’appuyait pour ne pas faire dépendre l’entrée des Russes en Transylvanie de la résolution du gouvernement autrichien, furent favorablement accueillis à Saint-Pétersbourg. Rien n’était alors décidé sur la convenance d’une intervention générale de la Russie ; le gouvernement autrichien, fier à bon droit des succès de son armée d’Italie, espérait en finir avec la Hongrie sans secours étranger, avec ses seules ressources. La prise de Pesth semblait justifier ces espérances : on se rappelle que bien des gens en Europe crurent l’insurrection hongroise terminée à ce moment. L’autorisation d’envoyer un corps d’armée protéger le pays saxon était arrivée de Saint-Pétersbourg au général Luder presque au moment où Bem avait paru devant Hermanstadt. Le général Puchner, qui, jusqu’à l’engagement du 21 janvier, avait refusé de prendre sur lui la responsabilité de l’entrée des Russes, avait enfin joint sa demande à celle du corps municipal de la ville. L’évêque grec Schaguna pour les Valaques, et le professeur Gottfried pour les Saxons, accoururent à Bucharest, et représentèrent dans quel pressant danger se trouvait la capitale saxonne. Le 1er février, dix mille Russes, sous les ordres du général Engelhardt et du colonel Skariatine, entrèrent en Transylvanie ; ils occupèrent