Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et leur entrée dans l’union souveraine. Grace à l’impulsion donnée par le jeune clergé grec, il s’était formé dans la nation roumaine une classe éclairée, libérale, qui supportait avec une impatience trop naturelle l’état d’infériorité et d’ilotisme auquel elle restait condamnée. Les plaintes et les réclamations avaient été vaines ; les trois nations souveraines, si souvent divisées, avaient été unanimes dans leur refus de rien changer à la condition des Valaques. Les bourgeois saxons ne s’étaient pas montrés plus libéraux dans cette occasion que les magnats hongrois ou les nobles széklers. Les hauts fonctionnaires du gouvernement autrichien n’avaient pas pris parti davantage pour les Valaques. Peut-être subissaient-ils l’influence des préjugés hongrois contre la race roumaine peut-être aussi craignaient-ils, s’ils favorisaient les Valaques, de perdre, par ce seul fait, le concours des autres nations. Une mesure aussi décisive que l’émancipation valaque était une violation de la constitution transylvaine ; pourquoi le gouvernement aurait-il fourni, sans nul profit pour lui, de nouveaux prétextes aux accusations de ce genre C’était trop présumer de sa bonne volonté que d’espérer qu’il ferait des coups d’état pour étendre ou multiplier les libertés.

Les Valaques s’étaient donc trouvés sans appui, sans alliés ; ce moment de crise et de dissolution leur parut une occasion favorable pour leur cause. Les chefs et la nation, d’un commun mouvement, résolurent de se livrer à qui leur assurerait la liberté. La diète discutait alors la réunion avec la Hongrie : ils offrirent d’accepter résolûment la révolution et de servir dans les rangs des Magyars, si on proclamait leur émancipation. Les Magyars commirent la même faute qui a soulevé contre eux, en Hongrie, l’opposition et la guerre des Croates ; ils ne voulurent point entendre parler de cette égalité de droits ; ils rejetèrent avec dédain de telles prétentions. Il a manqué aux Valaques un homme, tel que Jellachich pour faire éclater leur vengeance. Ce fut cependant une armée entière perdue pour les Magyars ; les Valaques se rejetèrent avec fureur dans le parti impérial, ils s’allièrent aux Saxons, restés fidèles malgré les appels à la diète de Francfort. La Transylvanie se trouva partagée en deux camps ennemis. Le gouvernement de Kossuth s’était hâté d’envoyer dans la principauté des commissaires extraordinaires. Excités par la résistance qu’ils rencontrèrent, leur patriotisme magyar se changea en fureur contre les Valaques ; ils prirent les mesures les plus violentes contre eux. Les bandes de Széklers furent lancées à la poursuite des Valaques, qu’on traquait dans les forêts et les montagnes comme des bêtes fauves. La terreur régnait partout. Les Valaques et les Saxons organisèrent un comité de défense. Deux députés des villes saxonnes, et, du côté des Valaques, l’évêque grec Schaguna et un riche marchand nommé Rodolphe Argidau formèrent, sous la présidence du général autrichien Puchner, une junte