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ou candidats. Certains procès ne peuvent être jugés que par la diète ; les plaideurs sont là pour solliciter les juges. La population semble doublée ; des voitures nombreuses circulent dans les rues ; On se sent dans une capitale au milieu du mouvement des affaires et des plaisirs. Les Transylvains[1] font volontiers une bonne part à ce besoin de la vie sociale. Les femmes, confinées une partie de l’année dans des châteaux situés en général à de grandes distances les uns des autres, n’ont garde de laisser échapper une telle occasion de sortir de la retraite, de voir et d’être vues ; celles qui ne viendraient pas pour leur compte ont des filles à marier. Souvent les boyards de Jassy se rendent à Clausenbourg avec leur famille ; ils animent encore de leur luxe cette société si excitée au plaisir. Les spectacles, les concerts, les bals, se succèdent avec rapidité. Le procès entre les mœurs turques et françaises qui se débattait encore à la fin du XVIIe siècle, quand Bethlem Niklos était blâmé de ses voisins pour laisser vivre sa femme à la française, » est aujourd’hui gagné. Notre langue, nos usages, nos mœurs, ont plus encore qu’au temps de Louis XIV, pénétré à cette extrémité de l’Europe. On joue sur le théâtre transylvain la traduction des drames de M. Victor Hugo, et nos romans modernes sont lus à Clausenbourg presque en même temps qu’à Paris. — Au milieu de la variété des races et des types de toutes les nations qui se rencontrent dans cette capitale, la beauté de la race orientale se fait aisément remarquer, et suffirait au besoin pour témoigner de l’origine des Magyars. Les Transylvaines sont grandes et fortes ; la vie libre de la campagne, les voyages à cheval donnent à leur démarche quelque chose de fier, un air puissant et noble qui fait songer à la Diane chasseresse ou aux races guerrières des Amazones. De riches bijoux incrustés de pierres de toutes couleurs, des talismans turcs, mais surtout de riches colliers de perles jetés en triple rang autour du cou, ou se déroulant à travers les tresses noires des cheveux, ajoutent leur éclat à cette splendeur de la nature.

Aux jours de cérémonie, le costume des hommes ne le cède point en richesse à celui des femmes. Les hommes portent des pierreries aux agrafes de leur sabre et de leur pelisse. À côté de ces uniformes brillans et lestes, on rencontre les robes traînantes des Arméniens, ou les riches fourrures des boyards moldaves. L’habit de l’Occident est triste et pauvre au milieu de toute cette magnificence. Et cependant, quand un étranger arrive, conduit par quelques amis de fraîche date, quelque député jaloux de maintenir les bonnes traditions du passé, tout est facile et accueillant ; les maisons et les cœurs semblent s’ouvrir pour lui. Dès ce moment, il appartient à l’hospitalité transylvaine ;

  1. Toutes les fois qu’on parle des Transylvains sans la désignation des Saxons, il est entendu qu’on parle des deux nations de la race magyare ; dans ce sens, tout ce qui est dit ici des Transylvains s’applique aux Hongrois en général, tandis que les Saxons, livrés à l’industrie ou au commerce, ont des habitudes tout opposées.