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des candidats, sont les délibérations et le vote des lois, pour lesquelles la sanction royale est toujours réservée, le vote et la répartition des impôts, la naturalisation des étrangers, enfin le jugement de certains procès, dont la connaissance est réservée aux états. Une loi de 1791 a tranché, pour la Transylvanie plusieurs questions restées indécises dans les diètes hongroises : les délibérations sont prises à la majorité des voix. Il est avéré qu’à l’origine de la réunion, chaque nation avait un vote séparé. Le changement introduit dans cette disposition fondamentale a assuré la suprématie des deux nations de la race magyare ; leurs députés, joints aux régalistes, sont toujours en majorité.

J’abrége, autant que l’intelligence même de la matière le permet, cette exposition de la constitution transylvaine. Il y a peu de législation sans doute qui pèche autant que celle-ci contre les principes posés par les grands publicistes ; nulle part on n’y retrouve cette division de la souveraineté que les nations les plus éclairées avaient regardée jusqu’à nos jours comme la meilleure garantie des droits et de la liberté de chacun. Lois, administration, justice, tout est livré aux passions d’une seule assemblée délibérante à laquelle on peut appliquer ce jugement de Montesquieu : « Si un seul et même corps des nobles ou du peuple exerce ces trois pouvoirs, celui de faire des lois, celui d’exécuter des résolutions prises, et celui de juger les crimes et différends des particuliers, il n’y a point de liberté ; on fera des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. » Le temps, présent nous a familiarisés avec les excentricités constitutionnelles. On a rejeté les règles consacrées, et le romantisme a remporté dans la politique les mêmes victoires que dans la littérature. Montesquieu, sur la division des pouvoirs, n’a pas plus d’autorité qu’Aristote sur les unités de temps ou de lieu : nous avons changé tout cela. La confusion des pouvoirs ne choque plus. — Au lieu de cet antagonisme de volontés, nous dit-on, que le gouvernement représentatif organisait entre les trois pouvoirs, vous avez l’unité de direction et de politique. L’état est constitué comme l’homme, il n’a qu’une tête. — À la bonne heure ; souhaitons seulement que la tête soit bonne, car tout serait perdu, si elle était mauvaise ou folle. Cependant, me dira-t-on, la constitution transylvaine a duré jusqu’à nos jours, et tant d’autres ont passé qu’on avait cherché à établir sur les principes dont vous invoquez l’autorité. J’en conviens volontiers, et ce n’est pas moi qui contesterai le mérite que la durée donne à toutes choses ; mais la durée suppose l’usage, et la constitution, il faut le dire, a duré précisément parce qu’on n’a guère pu en faire usage. On s’en sert à de rares intervalles ; l’état le plus habituel. C’est la suspension. Quand on la reprend, elle ne va pas mieux pour avoir tant sommeillé ; mais on a toujours la même ressource, c’est de gouverner sans elle. Il est évident, et la réflexion suffirait seule à l’apprendre, si l’histoire n’était pas là, que tout ce système exagéré d’élection