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jorité, et nous dirions volontiers qu’elles sont d’autant plus des questions politiques qu’elles sont moins des questions diplomatiques. La majorité ne veut pas du système de la guerre pour la guerre : c’est le système de M. Mauguin ; elle veut encore bien moins le triomphe de la démagogie allemande : c’est le système de M. Savoye. On peut donc, sur ces deux questions, éprouver la conformité des sentimens du ministère avec les sentimens de la majorité.

Or, sur la démagogie allemande, qu’a dit M. de Tocqueville qui ne soit le sentiment de la majorité ? Battue à Dresde, la démagogie allemande a fait l’insurrection de Bade et du Palatinat, non pas que de là elle espérât remuer toute l’Allemagne, mais elle comptait sur l’appui de la démagogie française. M. Savoye avait été lui porter les promesses de cette petite France égoïste et ambitieuse qui se croit née pour gouverner la grande. Qu’on le sache bien, la démagogie allemande n’a pas le moindre amour pour la France. Elle injurie habituellement la France, mais elle l’implore quand elle se sent vaincue ou menacée. M. Savoye a parlé à Offenbourg au nom du gouvernement des Arts-et-Métiers ; il n’a pas parlé, il ne pouvait pas parler au nom du gouvernement français. Loin de voir un échec pour la France dans la défaite et dans la dispersion des insurgés du Palatinat, nous y voyons un événement heureux. Il faut que partout en Europe la démagogie soit vaincue, pour que la France puisse, soit au dedans, soit au dehors, être libérale sans être dupe. Au dedans, que faire pour la liberté et pour l’amélioration véritable du sort des populations, quand il faut tous les matins défendre l’ordre social menacé et changer en moyens de défense nos moyens d’assistance ? Au dehors, que faire pour la cause du libéralisme, quand partout cette cause est compromise par la démagogie, quand la liberté est représentée à Rome par M. Mazzini, et en Allemagne par je ne sais quels brouillons obscurs dont les noms même ne viennent pas à la bouche de ceux qui veulent les maudire ? Nous sommes heureux de savoir que les Prussiens sont à Carlsruhe, à Manheim, à Heidelberg, et que l’insurrection est partout vaincue et dispersée. Nous ne nous dissimulons pas que, dès ce moment, va commencer pour l’Allemagne, et par conséquent aussi pour la diplomatie française, une autre phase. Nous espérons que cette phase sera une phase libérale, nous espérons que la Prusse restera fidèle à la politique libérale et modérée qu’elle a semblé inaugurer par son projet de constitution ; mais, quelles que soient les circonstances de cette nouvelle phase, il fallait d’abord que la phase démagogique fût finie.

Nous sommes favorables, on le sait, à la cause prussienne, et nous ne nous repentons pas d’avoir été des premiers à dire que la France devait être favorable à cette cause ; mais nous avons indiqué aussi quels étaient les obstacles que la politique prussienne devait rencontrer en Allemagne et dans quelle mesure la France devait l’appuyer. La Prusse a partout pris le haut du pavé en Allemagne. À la constitution de Francfort elle a opposé son projet de constitution, et ce projet rallie peu à peu la plupart des petits états de l’Allemagne. La constitution de Francfort n’est plus qu’un mot, et, quant à l’assemblée nationale de Francfort, nous ne savons plus, même à l’heure qu’il est, où elle siége. En même temps que la Prusse opposait sa constitution à celle de Francfort, elle opposait aussi une armée à l’insurrection du grand-duché de Bade et du Palatinat. C’est cette armée qui vient de vaincre les insurgés. La Prusse en ce moment triomphe